Magazine PROF n°54
Dossier Lutter contre le (cyber)harcèlement entre élèves
« Agir sur le groupe pour agir sur le harcèlement »
Article publié le 03 / 06 / 2020.
Directrice de l’ASBL Bienveillance à l’école, Laure Mesnil accompagne des projets d’écoles sur le bien-être scolaire et la prévention du harcèlement. Et donne des formations.
L’Institut de la Formation en cours de Carrière (IFC) a enrichi son catalogue de formations sur le harcèlement scolaire de deux modules récents : Mieux comprendre le harcèlement et le cyberharcèlement en milieu scolaire et Prévenir et gérer les comportements difficiles dans ma classe (1). Ils sont animés par Laure Mesnil, la directrice opérationnelle de l’ASBL Bienveillance à l’école.
PROF : Vous dites du harcèlement entre les jeunes qu’il est contre-intuitif pour les adultes…
Laure Mesnil : Oui, nous adultes, sommes peu conscients du phénomène, car il est globalement invisible à nos yeux alors que dans une école, tous les jeunes savent qui est harcelé, par qui, depuis combien de temps, pour quel prétexte… Et nous commettons beaucoup d’erreurs : conseiller systématiquement aux jeunes victimes de changer d’école ou leur enjoindre de se défendre ; proposer des médiations entre le harceleur et la victime, alors qu’ils sont en déséquilibre de forces; ou encore se limiter à sanctionner les auteurs ou co-auteurs. Cette approche punitive ne suffit pas : le harcèlement étant une dynamique de groupe, c’est sur le groupe qu’il faut agir.
Les dispositifs de prévention doivent former, accompagner et impliquer concrètement tous les acteurs : équipe pédagogique, élèves, parents, partenaires. Un dispositif de prévention très puissant à cet égard est celui des élèves Jeunes ambassadeurs. Aussi nombreux et différents que possible (en âge, en genre, etc.), ces jeunes volontaires sont formés et accompagnés pour être à l’écoute des victimes, des témoins et parfois des auteurs, et à relayer les situations précocement aux adultes de l’école spécifiquement formées à l’intervention. Il sera toujours plus facile pour un jeune de se confier à un autre jeune qu’à un adulte.
En quoi la sanction des auteurs présente-elle des limites ?
Les auteurs principaux sont souvent des jeunes qui opèrent un désengagement moral vis-à-vis de leur victime, et une distinction entre leurs valeurs et les comportements leur permettant d’avoir du pouvoir dans le groupe.
Dans ce cas, le rappel que l’autre est un sujet comme moi et n’a pas à être réifié est important, de même que l’intérêt de coopérer : « Toute l’admiration, le respect que tu as dans le groupe quand tu harcèles, comment pourrais-tu l’avoir autrement, par des choses positives ? ». En formant aussi le groupe à aider la victime, car si les témoins ne rient pas et ne like pas, le harcèlement perd beaucoup de son intérêt…
Un cercle vertueux, car si la sanction est individuelle, mais que le phénomène est collectif, elle risque de ne pas rencontrer la posture de remise en question espérée. De plus, les adultes pensent que les victimes ont besoin de la punition des auteurs pour être restaurées dans leurs droits et intégrité. Mais le plus souvent, ce qu’elles veulent est de retrouver leur place dans le groupe. C’est pourquoi des méthodes comme Pikas, les groupes d’entraide, etc., par lesquelles on cherche à restaurer une dynamique de classe bienveillante, fonctionnent mieux.
Il est donc difficile de prévenir le harcèlement sans réfléchir au climat de la classe et de l’école…
Oui, il faut développer les compétences psychosociales : la coopération et l’empathie entre jeunes, l’estime de soi, la confiance en soi, et aussi améliorer le climat scolaire et la bienveillance institutionnelle. Sans quoi on ne peut mener une prévention du harcèlement tenant la route.
(1) Prochaines sessions (deux jours), les 30-31 aout (code 402002103) et 25-26 aout (226002109). Inscriptions via www.ifc.cfwb.be.
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