Magazine PROF n°55
Focus
Les maths, terrain d’accrochage scolaire
Article publié le 30 / 08 / 2022.
L’année scolaire passée, les 3e secondaire du Lycée intégral Roger Lallemand de la commune bruxelloise de Saint-Gilles ont exploré théorème de Thalès et bases de la trigonométrie, « en vrai ».
En juin dernier, alors que les grandes vacances approchent, 16 élèves de 3e du Lycée intégral Roger Lallemand ont rendez-vous au local informatique pour boucler un dernier exercice dans le cadre d’un projet en mathématiques qui aura concerné les quatre classes de 3e tout au cours de l’année.
« L’idée était de leur faire comprendre les bases de la trigonométrie, dont le théorème de Thalès, au départ de moyens très simples, des instruments de mesure utilisés auparavant pour mesurer et construire des bâtiments », campe le directeur de l’école, Tanguy Pinxteren.
Un projet conçu l’année précédente par les trois professeurs de mathématiques avec Jean Michel Delire, ancien enseignant de la didactique en haute école, fondateur de l’ASBL ASIA et féru de connaissances de la science par l’art et l’histoire (1). Intitulé « En vrai, la géométrie, ça sert à quoi ? », il a bénéficié du soutien du programme « La culture a de la classe » de la COCOF, axe Sciences & Créativité.
« Pour finir, poursuit M. Pinxteren, on a voulu conserver une trace de l’expérience autre que celles consignées dans les travaux des élèves et les évaluations : un site, qu’ils ont créé et où ils expliquent l’utilité et le fonctionnement des instruments que certains parmi eux avaient reproduits. »
« Il s’agit, précise M. Delire, de deux applications pratiques du théorème de Thalès, utilisées à partir du 16e siècle : le quarré géométrique pour mesurer des hauteurs et des distances et le compas de proportion pour la mesure des angles ».
Dans les vidéos publiées sur leur site, les élèves ont utilisé le quarré pour obtenir la hauteur d’une des ailes du bâtiment de l’école et le compas pour connaitre la largeur d’une rivière fictive qui coulerait dans la cour de récréation ! Mais leur grand exploit, réalisé hors tournage, fut de prendre les mesures de la place Morichar située près de l’école…
Un tempo soutenu
Le lycée a sa propre organisation des cours. Le matin, le programme est vu en groupe classe de 24-25 élèves, abordé autour de différentes thématiques et en groupe classe de 24-25 élèves, abordé autour de différentes thématiques et en approches interdisciplinaires. L’après-midi, les élèves travaillent en « atelier », par groupe de 15 ou 16 issus des différentes classes.
Pour le projet sur les instruments de mesure, les professeurs de mathématiques se sont coordonnés pour que, durant les matinées de septembre-octobre, tous les élèves aient reçu les premières grandes bases de Thalès et de la trigonométrie.
L’atelier dédié au projet a commencé en décembre : 16 élèves y avaient à fabriquernles instruments et à produire des plaquettes présentant leur mode d’emploi, afin qu’ils puissent circuler sans besoin d’explications supplémentaires. Commentaires de Maxime Geisen, professeur de technologie et menuisier de formation : « Ils avaient déjà fabriqué pas mal de pièces en bois, mais pour des instruments de précision, l’assemblage doit être pile-poil, l’angle droit parfait, avec, application de la règle 3-4-5 (un autre théorème, celui de Pythagore, se rappelant aux esprits…). Ils ont dû beaucoup recommencer ! »
Quant à l’étape de la production des plaquettes, elle avait été préparée par une visite à la section des instruments scientifiques du Musée du Cinquantenaire, mais elle n’a pu se concrétiser, pour cause d’entrée en hybridation. Qu’à cela ne tienne, les trois enseignants trouvent une autre solution pour faire réaliser, au 2e trimestre, l’« arpentage » de la place Morichar, avec les instruments, par tous les élèves de 3e : leur assurer l’aide de ceux de l’atelier, appelés « élèves experts » pour l’occasion.
« Chaque expert avait à accompagner 5-6 élèves, rapporte Yannick De Heneau, un des enseignants du trio. Et ils l’ont fait de manière efficace, avec parfois des éléments à rajouter, mais globalement ça s’est bien passé. Par moment, nous les trois profs et M. Delire, on devait un peu courir d’un groupe à l’autre… »
Une école mélangée
L’enjeu était important car si les mesures de la place étaient nécessaires, c’était pour concevoir les plans d’un bâtiment pour qu’une communauté s’y installe, dans un contexte post-apocalypse. Le thème de la fin du monde avait été étudié en philo, et la géo, l’anglais et d’autres disciplines s’étaient branchées sur le scénario.
« La place Morichar n’est pas très grande, mais compliquée à mesurer parce qu’elle a une partie légèrement arrondie et qu’elle est sur plusieurs étages, commente M. De Heneau. Donc il faut en tenir compte, s’adapter et ça a amené plein de discussions. Si on compte comme ça, c’est malin ou pas ? Si on met des briques et des cales ?… Des propositions ingénieuses, qui valorisent et accrochent aux maths ».
Son collègue Arnaud Dereeper souligne : « On est une école très mélangée en termes de milieu social. Il y a des élèves avec qui on fait vraiment de l’accrochage avec ce type de projet ». Les habiletés sociales chez tous sont encouragées et « le but est de rendre la matière plus vivante, de permettre aux élèves de se l’approprier pour mieux fixer les apprentissages ».
M. Dereeper a dirigé, avec sa collègue Mathilde Becquereau, la séance de travail dejuin évoquée plus haut. Au programme, téléchargement,des vidéos pour le site et rédaction de courts textes pour accompagner les images.
Pour terminer, chacun sera appelé à évaluer le projet, ainsi que sa propre participation.Pour Mme Becquereau, ce genre de moment de recul contribue aussi à la durabilité des apprentissages. « Dommage qu’on n’ait pas,eu le temps de le faire plus souvent, et dans toutes les classes impliquées, mais tout le processus en a pris beaucoup. »
Dernière question aux élèves à cette occasion : quels ont été vos moments préférés ? Reviennent, la place Morichar (le plaisir de la classe du dehors…), les différentes étapes de la production des vidéos et l’élaboration du site "Vivre avec les maths".
En tout cas, celui-ci démontre une chose : même sérieux au tableau à écrire leurs équations, les élèves ont l’air de s’être bien amusés !
Monica GLINEUR
(1) Auteur de Mathématiques multiculturelles I, Bruxelles, Les éditions HE2B, 2018. ASBL ASIA.
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