logo infos coronavirus
logo infos Ukraine
logo du site Mon Espace
logo du pacte d'excellence
logo FAQ+
logo des annuaires scolaires
logo espace enseignant
logo des communiques de presse
logo du magazine PROF
 

Magazine PROF n°56

 

Dossier L'enseignement spécialisé

Une école pour raccrocher les élèves

Article publié le 05 / 12 / 2022.

L’école communale Léopold Mottet à Liège a pour particularité d’accueillir des élèves souffrant de phobie scolaire.

La brume est sur Liège le jour où nous rencontrons Geneviève Schouteden, directrice de l’école communale fondamentale et secondaire de type 5 Léopold Mottet.

Institutrice de formation, après avoir travaillé de nombreuses années comme GRH, son intérêt et son affection pour les adolescents en difficultés l’ont amené à développer un lieu pour ces jeunes qui ne trouvent pas leur place et sont, eux aussi, dans la brume.

Découverte de cette école particulière.

La phobie scolaire n’est pas  de la faute des enseignants :  elle est plurifactorielle.
La phobie scolaire n’est pas de la faute des enseignants : elle est plurifactorielle.
© Frédéric Lejeune

Quelles sont les caractéristiques de votre établissement scolaire ?

En dehors du travail dans les hôpitaux et du type 5 en général, on a créé ici une structure scolaire d’aide à la socialisation, une SSAS. À ne pas confondre avec un SAS – un service d’accrochage scolaire annexé aux écoles secondaire.

Dans notre structure, on accueille des élèves qui sont en décrochage scolaire pour diverses et multiples raisons. On les accueille avec une philosophie un peu différente des autres écoles puisqu’on ne fait pas d’évaluations sauf les certificatives.

On travaille en petits groupes. L’école a cette particularité de tenir sur un étage. Nous avons 7-8 locaux maximum à notre disposition. On propose divers ateliers qui ont des objectifs différents des écoles ordinaires.

Nos objectifs sont que l’élève reprenne confiance en soi, retrouve le plaisir d’apprendre et travaille des compétences transversales grâce aux ateliers organisés. Ces compétences transversales profitent aux cours généraux que nous dispensons (français, math, langues, sciences en vue du CE1D, histoire en vue du CESS).

Comment s’organise une journée type pour les élèves ?

En fait, il y a autant d’horaires qu’il y a d’élèves. Aujourd’hui, il y a 62 horaires individuels. Chaque élève a dans son horaire les cours généraux par tranche d’1h30. Donc, toutes les semaines, l’élève a dans son horaire 1h30 de français, de math… Puis, viennent se joindre à cela, les ateliers qu’ils choisissent. Par exemple, nous organisons entre 25-30 ateliers comme imprimerie, étiologie équestre, philo pour les S5-S6, botanique urbaine, musique, et bien d’autres encore.

Lorsque je reçois un élève, la première fois, j’ai un entretien qui dure environ 1 heure où il essaie de m’expliquer ses difficultés. Je lui présente l’école et les conditions dans lesquelles on travaille. C’est à ce moment qu’il choisit ses ateliers, et en fonction de ses choix, on lui constitue un horaire.

Pour les cours généraux, on essaie que ce soit un prof pour deux élèves. Nous faisons de l’enseignement totalement individualisé. Adapté aux lacunes, et aux besoins de chacun.

Notre objectif est de ramener l’élève dans un cursus scolaire qui lui convienne. Nous avons l’appui de notre CPMS qui nous aide via les tests d’orientation. Parfois, les ateliers leur ouvrent de nouvelles perspectives. Ils découvrent des compétences nouvelles, se découvrent des passions. Le test d’orientation peut confirmer ce choix et les rassurer.

Et le continuum pédagogique avec l’école initiale ?

En fait, les cours généraux sont ceux de l’école d’origine de l’élève. Lorsqu’il arrive chez nous, nous prenons contact avec l’école et les enseignants de son école d’origine et nous leur demandons de nous faire parvenir les cours généraux donnés dans celle-ci. Nous travaillons à partir de ceux-ci. Nous ne sommes pas toujours fidèles au cours, mais on l’adapte aux besoins de l’élève soit en termes de lacunes à combler ou de dépassement.

Pourquoi avoir ouvert une structure spécifique concernant la phobie scolaire, le décrochage scolaire ?

À la base, nous organisions de l’enseignement à domicile pendant trois mois en cas de phobie. En relisant les textes légaux, on s’est rendu compte que le domicile c’est « suite à une convalescence après hospitalisation ».

Dans le cadre de la phobie scolaire, il y a rarement de l’hospitalisation. Dans ces mêmes textes, j’ai vu qu’on pouvait ouvrir une structure scolaire d’aide à la socialisation lié au type 5 : une SSAS pour enfants déclarés malades par un spécialiste. Cette déclaration ne peut émaner que d’un spécialiste : pédiatre, pédopsychiatre, neuropsychiatre. Mais pas d’un généraliste.

Le décrochage et la phobie scolaire existaient avant la crise COVID qui n’a rien arrangé. Avez-vous changé, aménagé les cours, les activités ?

En fait, avant la crise COVID, nous faisions déjà du disctanciel avec les élèves qui vivent loin de Liège et pour lesquels ce n’est pas possible de venir jusqu’ici.

Par contre, une fois la période de confinement passée, nous n’avons pas beaucoup travaillé en visio, mais en présentiel. C’était important que ces jeunes sortent de chez eux, soient en relation avec d’autres.

Aujourd’hui, nous récupérons beaucoup de jeunes pour qui la visio n’a pas marché. Ils n’ont pas su suivre et ont été largués par rapport aux autres. Ils ont cette image négative d’eux : « Je n’ai pas su suivre en visio, je suis nul, je suis largué, donc je ne vais plus à l’école puisque je suis encore plus largué donc encore plus nul. »

Combien de temps dure la prise en charge dans ce contexte ?

La prise en charge est de maximum deux ans. Mais l’élève peut partir quand il se sent prêt. Il peut partir avant la fin du certificat médical.

Lorsqu’il réintègre l’école, il n’y retourne jamais brutalement. Il y a toute une préparation et un accompagnement qui est mis en place. D’abord nous rencontrons l’école, puis on les accompagne les 1ers jours. L’élève y retourne de manière progressive.

Pratiquement tous nos jeunes retournent dans un cursus traditionnel.

Que peuvent mettre en place les enseignants lorsqu’un élève présente une phobie scolaire ?

Ils peuvent collaborer avec nous et comprendre la situation. Ainsi lorsqu’ils récupèrent l’élève, il y a des choses à mettre en place. Il faut aussi admettre que l’élève ne peut pas avoir tout vu. Admettre aussi qu’il ait des difficultés. Ils doivent percevoir la réalité de la maladie.

Il faut bien se rendre compte que la phobie scolaire n’est pas de la faute de l’école. Elle est plurifactorielle. Les parents, les enseignants devraient faire preuve de plus empathie pour la détresse psychologique, comme on le fait pour une maladie physiologique.

Souvent aussi, on assène que pour réussir sa vie, il faut réussir à l’école. Telle l’image en France qui laisse croire que ne pas avoir le bac, c’est avoir raté sa vie. Il faut aussi reconnaitre que le système ne convient pas à tous. Que certains s’épanouiront grâce à la pédagogie active, alors que d’autres ont besoin d’une pédagogie plus classique.

Avez-vous autre chose à ajouter ?

Je trouve cela bien que le type 5 ne soit pas remis en cause par la Réforme du Pacte car il y a peu de structures qui prennent en compte la maladie. La maladie n’arrête pas le besoin d’apprendre. Il faut organiser ce besoin, cette demande d’aménagements sinon c’est la porte ouverte à des tas d’écoles privées, parfois sectaires, où le pouvoir régulateur n’a pas droit de regard.

On ne peut plus se contenter d’un mode unique d’apprentissage Mais c’est compliqué de différencier quand on a une classe de 25 élèves.

Propos recueillis par Hedwige D'HOINE

Où trouver un soutien ?

Moteur de recherche

La dernière édition

Toutes les éditions

Retrouvez toutes les éditions de PROF.

Tous les dossiers

Retrouvez également tous les dossiers de PROF regroupés en une seule page !