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Mise en ligne le 6 février 2024

Une nouvelle gouvernance des options du qualifiant

Valoriser l’enseignement qualifiant passe aussi par une nouvelle gouvernance de l’offre d’options, pour mieux tenir compte de l’évolution de la société et de ses besoins en matière d’emploi. 

L’Outil d’Aide à la Décision disponible depuis février 2024 montrera par exemple que l’option de base groupée Technicien-ne des industries agroalimentaires est une fonction critique partout sur le marché de l’emploi, sauf dans la zone de Bruxelles.
L’Outil d’Aide à la Décision disponible depuis février 2024 montrera par exemple que l’option de base groupée Technicien-ne des industries agroalimentaires est une fonction critique partout sur le marché de l’emploi, sauf dans la zone de Bruxelles.
© FWB/PROF - Jean-Michel Clajot

En matière d’enseignement qualifiant, le Pacte pour un Enseignement d’excellence poursuit trois objectifs stratégiques : améliorer le parcours des élèves, renforcer sa gouvernance pour favoriser une offre d’options mieux connectée au monde du travail et accroitre les synergies entre enseignement, formation et emploi.

Car les constats sont là : malgré l’intervention de nombreuses instances, les processus actuels d’ouverture et de fermeture d’options ne rencontrent pas l’intérêt général.

Ainsi, en 2022, parmi les 15 options les plus fréquentées, seules 6 mènent à des métiers en pénurie. Au contraire, parmi les 159 options les moins fréquentées (par 8% seulement des élèves), 92 conduisent vers des métiers en pénurie.

Par ailleurs, parmi les options trop peu fréquentées et qui n’ont pas le nombre d’élèves requis pour être maintenues, seules 5% d’entre elles sont examinées pour fermeture. La majorité de ces options bénéficient de dérogations automatiques. 

Aussi le Pacte pour un Enseignement d’excellence propose-t-il un nouveau modèle de gouvernance de l’offre d’options. Avec deux objectifs. Un : améliorer la prise en compte de l’évolution de la société et de ses besoins socioéconomiques, pour que les élèves accèdent à des options porteuses d’emploi et en phase avec le monde d’aujourd’hui. Deux : optimiser l’offre, la rendre plus cohérente, en proposant de nouvelles options et en en supprimant d’autres, peu fréquentées ou qui ne mènent pas à un métier.

Les acteurs socioéconomiques associés aux décisions

Pour atteindre ces objectifs, plusieurs dispositifs sont mis en place. Dorénavant, les analyses produites sur les métiers en pénurie par les Instances Bassins Enseignement-Formation-Emploi et les Services de l’emploi (Actiris et le Forem) sont davantage prises en compte.

Les Chambres Enseignement de chaque Instance Bassin ont également un rôle étendu dans le pilotage de l’offre d’options (cliquer sur le schéma ci-dessous). Et les acteurs du monde socioéconomique sont désormais parties prenantes, avec les acteurs de l’enseignement, du processus décisionnel qui vise la création des options, alors qu’ils n’y intervenaient que très peu jusqu’alors.

La nouvelle gouvernance vise à favoriser une offre d’options mieux connectée au monde du travail et à accroitre les synergies entre enseignement, formation et emploi.
La nouvelle gouvernance vise à favoriser une offre d’options mieux connectée au monde du travail et à accroitre les synergies entre enseignement, formation et emploi.

Nathalie Levaux, présidente des Chambres Enseignement des Instances Bassins de Huy-Waremme et de Verviers : « Il y a une volonté de piloter davantage l’enseignement qualifiant et d’assurer une logique plus forte entre l’enseignement et le monde socioéconomique. »

« Jusqu’à présent, chaque année, les dix Instances Bassins identifiaient des thématiques communes répondant aux besoins socioéconomiques de leur zone d’enseignement. Mais finalement on n’en tenait pas compte dans la programmation des options de l’enseignement qualifiant (NDLR : tributaire d’un processus parallèle). La volonté est aujourd’hui d’articuler ce processus de définition des besoins prioritaires au processus de programmation des options. »

Désormais, non seulement les thématiques communes identifiées par chaque Instance Bassin sont prises en compte dans la création d’options mais celles-ci sont également associées aux fonctions critiques identifiées par les Services de l’emploi et qui correspondent à des métiers en pénurie de main-d’œuvre.

Plus concrètement, chaque Chambre Enseignement participera à présent au processus décisionnel, puisqu’elle remettra un avis motivé sur les demandes d’ouverture d’options des écoles, qui devra tenir compte des besoins socioéconomiques. 

Depuis novembre 2023, les Chambres Enseignement sont présidées par les Directeurs de zone, qui représentent le pouvoir régulateur (le Gouvernement), avec une vision d’intérêt général dépassant notamment les questions de concurrence entre réseaux d’enseignement.

« En tant que présidents des Chambres Enseignement, notre rôle est d’écouter tous les partenaires autour de la table, mais aussi d’être garants d’une meilleure efficience des moyens. Qu’une option ouvre dans telle ou telle école, peu importe, du moment que cela réponde aux besoins tout en veillant à une bonne utilisation des moyens », poursuit notre interlocutrice.

Un nouvel outil d’aide à la décision

Depuis février 2024, un nouvel Outil d’aide à la décision - l’applicatif OAD - est mis à la disposition des directions d’écoles qualifiantes et de leurs pouvoirs organisateurs pour les soutenir dans la programmation stratégique de leur offre d’options. Les informations que contient cet applicatif sont déclinées par zone d’enseignement et reprennent l’analyse des évolutions socioéconomiques et de l’offre d’enseignement.

Comme on le voit sur notre schéma, les écoles (et pouvoirs organisateurs) restent bien entendu à l’initiative des demandes d’ouverture d’options. Pour les guider dans leurs choix, l’applicatif OAD fournit une vision claire des besoins de compétences du marché du travail dans leur zone, des options programmables, de leurs normes de création… 

En cohérence avec les informations de l’Outil d’aide à la décision, des recommandations seront émises sur chaque demande d’ouverture d’options par le pouvoir régulateur. Ces recommandations tiendront compte des besoins socioéconomiques au sein de la zone, de la répartition géographique de l’offre, de la fréquentation de l’option sur les trois dernières années, de la situation des occurrences de l’option déjà organisées à proximité par rapport aux normes de maintien...

Ajoutons que les normes de création et de maintien des options sont révisées. Les options liées cumulativement à une thématique commune et à une fonction critique (dites « options TC-FC »), c’est-à-dire qui correspondent à des métiers en pénurie de main-d’œuvre, bénéficient d’une norme de création plus favorable et d’une dérogation automatique au processus de fermeture.

Pour plus d’informations sur la nouvelle gouvernance des options de l’enseignement qualifiant : consultez la circulaires 9098.

Pour plus d'informations sur les demandes de programmation dans l’enseignement qualifiant à introduire pour le 15 mars 2024 pour l'année scolaire 2025-2026, consultez la circulaire 9146

Didier Catteau  

Un Outil d’Aide à la Décision à disposition des écoles

Dans la nouvelle gouvernance de l’offre, la programmation des options reste l’initiative des écoles et des pouvoirs organisateurs, mais les acteurs bénéficient d’une information plus optimale qu’aujourd’hui pour soutenir la programmation stratégique de leur offre.

Depuis février 2024, une nouvelle application métier (OAD pour Outil d’Aide à la Décision) met à leur disposition une information mise à jour annuellement. La circulaire 9146 le présente en détail.

L’applicatif OAD s’appuie sur des informations déclinées par zone d’enseignement et reprenant l’analyse des évolutions socioéconomiques et de l’offre d’enseignement.

Il est composé de trois parties complémentaires :

  1. Le contexte de la zone : caractéristiques de l’enseignement et des besoins socioéconomiques de la zone, notamment des secteurs d’activités concernés par la pénurie.
  2. Des indicateurs : les options organisées et organisables pour la zone concernée et, par option : le nombre d’élèves fréquentant l’option et le nombre d’occurrences organisées dans la zone, le lien avec les thématiques communes identifiées par les Instances Bassins et avec les fonctions critiques identifiées par Actiris et le Forem, ainsi que le nombre d’élèves nécessaires pour ouvrir l’option (norme de création).
  3. Une cartographie interactive : par implantation, les options déjà organisées au sein de la zone, la localisation des Centres de technologies avancées (CTA), Centres de compétences (CDC) et Centres de référence (CDR).

Les directions et pouvoirs organisateurs du Brabant wallon apprendront par exemple que l’option 2214 Technicien-ne en électronique figure parmi les thématiques communes de l’Instance Bassin et est également une fonction critique sur le marché de l’emploi. Elle est organisée dans deux écoles (via la carte on peut savoir où), en plein exercice uniquement, était fréquentée en 2021-2022 par 11 élèves (tendance de fréquentation de l’option sur 3 ans en baisse), et que la norme de création de cette option est fixée à 10 élèves ou 6 en alternance.

« Former à des métiers dont la société a besoin »

Une plus grande cohérence entre l’offre du qualifiant et les besoins socioéconomiques risque-t-elle de faire basculer l’enseignement dans l’adéquationnisme entre formation et besoins directs des entreprises ? Pour Nathalie Levaux, Directrice de zone et à ce titre présidente des Chambres Enseignement de Huy-Waremme et de Verviers, cette crainte est infondée.

« L’objectif du qualifiant, c’est de former à un métier. Autant former à des métiers dont la société a besoin. Pas les entreprises, mais la société. Quand on définit les fonctions critiques et les thématiques communes, elles doivent être structurelles, c’est-à-dire répondre à un besoin de longue durée. Le rôle du qualifiant, c’est d’offrir la possibilité aux élèves de s’épanouir socio-professionnellement. »

« Si on faisait de l’adéquationnisme, argumente notre interlocutrice, on ouvrirait une option pour une durée de trois ans, et après on la fermerait parce qu’on aurait assez de cette qualification dans les entreprises. Non. On ne va pas ouvrir une option dans une zone parce qu’une entreprise s’y installe et pour répondre à un besoin qui n’existera plus dans cinq ans parce que l’entreprise aura trouvé les compétences dont elle a eu besoin en s’installant. Ce n’est pas ça que fera la Chambre Enseignement ! »

« Et rien ne dit qu’on ne va pas ouvrir des options peu fréquentées parce que ça répond à un besoin de la zone. Donc ce ne sera pas de l’adéquationnisme ! On partira toujours des fonctions critiques et des thématiques communes à partir desquelles on fixera les besoins structurels, à long terme… »

« Deuxième chose : on oublie souvent qu’il y a dans l’enseignement qualifiant les cours de la formation commune, les cours généraux, qui abordent d’autres compétences que celles de l’option, du métier. Et qu’on permet aux élèves de choisir leur voie. »

Recueilli par D.C.

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