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Magazine PROF n°21

 

Dossier L'école fait son cinéma

L’éducation au cinéma se fera via des compétences

Article publié le 01 / 03 / 2014.

Thierry Desmedt, professeur à l’UCL, a participé à l’élaboration d’un nouveau référentiel édité par le Conseil supérieur de l’Education aux médias (CSEM). Une autre façon de voir l’éducation aux médias.

PROF: Pourquoi le CSEM a-t-il édité en 2013 un référentiel en éducation aux médias ? (1)
Thierry Desmedt : Depuis 1995, l’éducation aux médias était centrée sur six objets d’apprentissage : langages, technologies, représentations, typologies, publics, productions (2). Aujourd’hui, elle l’est sur des compétences à développer chez les élèves à travers quatre activités médiatiques : lire, écrire, naviguer et organiser. Ce changement correspond à l’évolution technologique : actuellement, lire l’image implique que l’élève puisse produire une image. En '95, l’école n’avait pas les finances pour payer l’appareil photo et les films. Aujourd’hui, tout le monde en a un en poche dans son téléphone. La production d’images est gigantesque et à cout nul. Et ce n’est plus de l’image fixe, c’est aussi de l’image animée.

Chaque activité a plusieurs dimensions ?
Chacune des quatre activités médiatiques s’exerce dans trois dimensions : informationnelle, sociale et technique. Le média informationnel désigne quelque chose qui représente autre chose : une description, une carte, un diagramme,… C’est la fonction la plus traditionnellement ancrée dans la tradition scolaire. Et son cœur.

Et la technique ?
L’école a toujours développé des compétences techniques comme se laver les mains avant de dessiner, pour ne pas salir la feuille… Avec l’ordinateur et les réseaux sociaux, elles s’étendent et se complexifient. Très longtemps, le cinéma s’est qualifié aussi par sa technique : l’ensemble des éléments dont le support est une pellicule perforée.

La dimension sociale ?
Elle a aussi toujours été présente à l’école : on nous demandait de mettre notre nom sur notre feuille d’écriture ; on nous informait sur l’auteur quand nous lisions un texte. Mais cela restait confiné. Les rédactions en fonction d’un destinataire notamment étaient rares : l’univers social du destinataire était souvent indéterminé.

Avec la prolifération des médias sociaux, on peut toujours être connecté à des gens qui fabriquent et qui lisent un média. Maitriser cela devient un savoir-faire fondamental. L’éducation au cinéma traditionnelle, elle, se tournait vers un média fait par un auteur, mais laissait souvent pour compte l’impact sur le public et sa représentation. Or, aujourd’hui, les genres de cinéma se définissent en fonction des publics : public de cinéphile, tout public, public qui suit un auteur. Les fans de Woody Allen le diront : chaque nouveau film est farci d’allusions à ses films précédents. Ce cinéma fonctionne mieux avec un public averti. Ce n’est pas le cas pour Spielberg qui va vers un public très large. D’autres cinémas utilisent les recettes pour aller vers ce que le public veut : machine à faire plaisir au public au sens le plus gratuit du terme.

La compétence de navigation est rendue nécessaire par l’éclosion d’internet…
Avant, le nombre des objets médiatiques dépendait de ce qui était accessible. Au moment où nous sommes tous connectés, c’est l’inverse. Et la capacité à trier et à exclure devient la condition de survie. Avant '90, quand un enseignant demandait à un élève de se documenter, l’article d’une encyclopédie lui valait une belle note. Aujourd’hui, le professeur valorise davantage l’ado qui a moins de références mais qui a les bonnes.

En éducation au cinéma, c’est être capable de maitriser son accès à des œuvres via la dimension informationnelle au sens large ou la dimension technique. La notion de format est essentielle. Ce n’est pas parce qu’un film est sur youtube que je peux le faire passer sur grand écran dans la classe. Et la manipulation n’est pas possible sur ce site. Si je veux la rendre possible, je dois l’éditer sous un autre format.

La navigation peut aussi être sociale. Dans un univers saturé d’individus et d’institutions, c’est retrouver le producteur, le public, un amateur qui tient un blog sur une œuvre, qui a fait le pastiche en LEGO de L’arrivée d’un train à la Ciotat, un comédien,… Aujourd’hui on peut facilement faire un skype avec un auteur, un comédien, un producteur, un critique…

Tout cela demande de l’organisation ?
Il faut savoir créer des catégories pertinentes. L’organisation informationnelle s’apparente au classement par thèmes. L’organisation technique peut paraitre abstraite ; mais on doit savoir organiser son parc de produits, de machines, en sachant ce qu’on peut associer et avec quoi. Cela implique un matériel bien rangé. Et cela a un impact environnemental. L’organisation sociale, elle, me permet de donner accès à une info et pas à d’autres, et m’apprend la retenue quand je tombe sur une info qui ne m’est pas destinée.

Sur le plan du cinéma, on peut classer les films en fonction de critères : auteurs, époque, public, son âge,… Ils peuvent être techniques : type de support utilisé, type de machines – pour la copie, le montage, la diffusion –, le cout, la sophistification, le degré de sécurisation et des conditions de sauvegarde. L’original de West side story, la version numérisée, ou la hd offrent des visions très différentes. L’organisation informationnelle se fait par les thèmes, la façon de les traiter. Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein magnifiait des valeurs (courage, abnégation, patriotisme,…) associées à la révolte d’Odessa.

Et la suite ?
Ce référentiel a été validé par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les réseaux commencent à le prendre en compte dans l’écriture des nouveaux programmes.

(1) Les compétences en éducation aux médias, CSEM, 2013, http://bit.ly/1hAWdlZ
(2) Rapport « Wangermée », CEM, 1995, http://bit.ly/NMvTtU et L’éducation aux médias en 10 questions, CSEM, http://bit.ly/1jLVU7O