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Magazine PROF n°22

 

Dossier E-learning : un autre défi pédagogique

La révolution des MOOCs

Article publié le 01 / 06 / 2014.

MOOC, pour Massive Open Online Course, ou cours en ligne ouvert et massif. Depuis septembre 2013, une centaine de MOOCs ont vu le jour en France. Celui du philosophe belge Luc de Brabandere, professeur à Centrale Paris, sur ce que les managers peuvent apprendre des grands philosophes, compte plus de 50000 inscriptions.

 

En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Université catholique de Louvain a emboité le pas. Construit par les professeurs Pierre Baudewyns, Vincent Legrand, Min Reuchamps et Nathalie Schiffino, Découvrir la science politique, intéresse plus de 7300 étudiants à travers le monde (1).

© Fotolia/Apops

Par ailleurs, le service de l’Enseignement à distance (EAD) qui offrait jusqu’à présent des cours « papier » à 90% et en ligne à 10%, se prépare à inverser cette proportion. Cette transition vers le numérique, à finaliser en 2016-2017, visera encore plus qu’avant le public des candidats aux jurys centraux.

L’Institut de la Formation en cours de Carrière (IFC) a réalisé cette année trois formations de type hybride : certains modules se réalisent en présentiel et d’autres à distance via la plateforme IFC de ressources et d’échanges : Dyslexie, Décolâge! et Travailler collectivement.

Une réalité très diverse

Voilà plusieurs exemples qui jettent un coup de projecteur sur l’e-learning. Défini par la Commission européenne comme « l’utilisation des nouvelles technologies multimédias de l’Internet pour améliorer la qualité de l’apprentissage en facilitant d’une part l’accès à des ressources et à des services, d’autre part les échanges et la collaboration à distance ». Centre de recherche et d'expertise en e-learning de l'Université de Liège, le Laboratoire de soutien à l'Enseignement télématique (LabSET) parle, lui, d’« apprentissage en ligne centré sur le développement de compétences par l'apprenant et structuré par les interactions avec le tuteur et les pairs ».

Ces deux définitions citées dans le Guide du e–learning de l’Association wallonne des Télécommunications (2), pointent plusieurs éléments importants, confirmés par Bruno De Lièvre. Pour ce professeur de l’Université de Mons, « la multiplicité des médias a fait évoluer les cours par correspondance vers des dispositifs d’apprentissage qui peuvent se positionner en-dehors des espaces classiques de formation. Leur mise en œuvre se caractérise par une diversité importante : jouent ici des facteurs comme les modalités pédagogiques, le degré de distance, le public, son encadrement, la technologie ».

L’e-learning est avant tout une modalité d’apprentissage, qui repose sur une approche pédagogique. Elle doit au minimum prévoir une scénarisation très élaborée, une structure plus ou moins contraignante, plus ou moins autonomisante, de la simple transmission de savoir au travail par projet.

Cet enseignement à distance peut se passer de la présence physique de l’enseignant. Toutefois, en Fédération Wallonie-Bruxelles, le dispositif mélange le plus souvent des séquences de cours en ligne et des rencontres en présentiel, ce qu’on appelle le « blended learning ».

Les cours se conçoivent en fonction du public concerné, plus ou moins autonome et plus ou moins nombreux. Les MOOCs, par exemple, s’adressent en même temps à des masses d’apprenants. Corollaire de cette ouverture ? Jusqu’à 90 % d’abandon ! Le tutorat et l’accompagnement pédagogique peuvent le réduire. Une scénarisation pédagogique appropriée compensera l’absence de tuteurs, qui réduit les couts. Cette scénarisation règle les missions de l’étudiant, de l’encadrement, l’intervention du tuteur. Et les outils numériques de suivi permettent aussi à un tuteur de suivre un nombre plus important d’étudiants (lire Le podcasting, un plus dans le supérieur).

Des spécificités

Cette diversité s’accompagne d’une série de spécificités pointées par l’Agence wallonne des Télécommunications (lire Je mets mon cours en ligne). Avant le succès du numérique, l’apprentissage à distance se faisait surtout par courrier et par téléphone. Aujourd’hui, les TIC facilitent la diversification des méthodes et stratégies d'apprentissage. Cela permet de mieux répondre à la diversité des styles cognitifs (visuel ou auditif), des besoins, des attentes et des préférences des apprenants. Cela favorise d'autant plus l'autonomie, l'implication et les performances.

L’e-learning facilite également l'introduction de méthodes et stratégies d'apprentissage originales : pédagogies actives, participatives, apprentissage par problèmes ou par le jeu, travail sur ses processus mentaux,... Elles peuvent se baser sur les théories connectivistes et d’auto-formation (3). Elles ne sont pas inédites ; la mise à distance des cours peut inciter la réflexion pédagogique à remettre en œuvre des théories de l’apprentissage actif… mais cela n’est pas toujours le cas.

De même, dans les dispositifs de e-learning, on peut trouver des modalités d’évaluation diversifiées : autoévaluation, évaluation des pré-requis, formative, certificative, par outils numériques… « Certaines ne vont pas sans poser des questions sur leur niveau de fiabilité, rappelle M. De Lièvre. Elles ont toutes une valeur en fonction du contexte d’usage. L’évaluation par les pairs, par exemple, n’est pas nécessairement certificative mais convient bien pour juger de projets de groupe ».

La flexibilité est de mise avec l’e-learning. Ses utilisateurs apprennent ce qu’ils veulent, où et quand ils le veulent. L’e-learning s’adapte aux réalités culturelles et sociales variées, aux styles cognitifs ou compétences à développer. Et il est disponible à un grand nombre d’apprenants, les des compétences techniques étant de plus en plus à la portée de chacun.

Des moyens

Si l’e-learning est peu présent dans l’enseignement obligatoire et dans les hautes écoles, il l’est davantage en promotion sociale, dans l’EAD et dans les universités (lire Des cours par correspondance vers l'e-learning, Flexibilité, différenciation, gestion du temps, Le podcasting, un plus dans le supérieur et Des outils aident à mieux collaborer en ligne). Mais il suppose un investissement important en temps, en technique et en argent pour les concepteurs. Une des firmes à l’origine des MOOCs américains, Udacity, vient d’ailleurs de jeter le gant.

« Ce cout est en partie technologique, commente M. De Lièvre. Bien que ce problème soit, selon moi, appelé à disparaitre. 75% des étudiants amènent un appareil mobile (portable, tablette, smartphone,..) en salle de cours. Cela pose des questions d’équité entre étudiants ; il faut en tenir compte. De plus, chaque établissement du supérieur dispose aujourd’hui d’une plateforme pour au minimum respecter l’obligation décrétale de mettre à disposition de ses étudiants ses supports de cours (4). Plusieurs de celles-ci sont gratuites et disposent d’une série d’outils : dépôt de ressources, messagerie, forum, chat,… ».

Mais le cout est surtout humain. M. De Lièvre : « Un cours en ligne, ce n’est pas la simple transposition d’un cours traditionnel. Il faut le scénariser, varier les modalités pédagogiques, permettre autonomie et collaboration... Autour de lui, il faut créer une administration informatique et un encadrement technique, mais surtout pédagogique. Aujourd’hui, il semble que toutes les universités s’orientent vers le développement de politiques d’aide à la réussite, dont l’e-learning ».

Encore faut-il que le cadre institutionnel relaie et prenne en compte les initiatives locales. « Par exemple, insiste M. De Lièvre, il est indispensable que le temps des étudiants pour suivre un cours en ligne ou des enseignants pour le préparer et pour assurer le tutorat soient pris en compte dans l’organisation de leur grille horaire ».

Un risque de privatisation ?

L’importance des moyens à mettre en œuvre pour développer l’e-learning doit-elle faire craindre une privatisation de pans entiers de l’enseignement ? M. De Lièvre y croit peu : « Les moyens technologiques seront encore plus présents demain, et l’apprentissage de plus en plus mobile. Nos institutions éducatives possèdent des moyens et semblent vouloir en consacrer aux technologies. Elles possèdent une expertise pédagogique qui dépasse la logique à court terme et de rentabilité immédiate du privé.

Or, les outils développés par les industriels qui veulent s’insérer dans l’éducation sont souvent attractifs par la forme, avec des fondements pédagogiques qui font défaut. Reste une question essentielle à se poser : comment stimuler l’évolution de nos pratiques pédagogiques, à l’aide des technologies, en faveur des élèves, étudiants et apprenants ? »

(1) https://www.edx.org/course/decouvrir-la-science-politique-louvainx-louv3x-4
(2) http://bit.ly/1l4GAFc
(3) BEDIN V., FOURNIER M., Apprendre, Pourquoi ? Comment ?, Éditions Sciences humaines, 2014, https://editions.scienceshumaines.com/apprendre-pourquoi-comment_fr-532.htm.
(4) http://bit.ly/1uh7MDZ