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Magazine PROF n°28

 

Dossier 0-12 ans: éduquer, c'est aussi accueillir

0-12 ans : éduquer, c’est aussi accueillir

Article publié le 01 / 12 / 2015.

L’Office de la Naissance et de l’Enfance souhaite améliorer la formation des personnes qui accueillent et encadrent les enfants de 0 à 12 ans. Cela concerne les milieux d’accueil des tout-petits, les écoles de devoirs, les centres sportifs et de vacances, mais aussi l’enseignement fondamental et l’accueil extrascolaire, au centre de notre dossier.

Dans cette classe d’accueil bruxelloise, dix élèves de moins de 3 ans sont présents sur les vingt-sept inscrits. Certains sont arrivés à l’école à 6 h 30 et en repartiront à 18 h.

Deux études font l’état des lieux de l'accueil de la petite enfance, listent les compétences nécessaires et préconisent la mise en place de trois profils de métier et de formation.
Deux études font l’état des lieux de l'accueil de la petite enfance, listent les compétences nécessaires et préconisent la mise en place de trois profils de métier et de formation.
© Fotolia/BillionsPhotos.com

Durant cette longue journée, ils peuvent rencontrer une dizaine de personnes : l’instituteur titulaire, une autre institutrice effectuant des interventions régulières, une puéricultrice, une accueillante extrascolaire dite « surveillante », deux autres instituteurs lors des récréations, voire une personne inscrite dans un programme de transition professionnelle, venue épauler les institutrices maternelles pour les temps scolaires et extrascolaires.

Ajoutez-y les interventions ponctuelles de bibliothécaire, psychomotricien, bénévole… Et ces activités mènent les enfants d’un lieu à l’autre. On est bien loin du cocon de la crèche !

Cet exemple, tiré d’une étude du centre de Formation permanente et de Recherche dans les milieux d'Accueil du Jeune Enfant (FRAJE), illustre deux réalités. D’une part, l’accueil et l’éducation s’interpénètrent dans nos écoles. D’autre part, ces missions sont gérées par des personnes dont les qualifications et formations sont fort variées (1).

Trois profils de métier et de formation

L’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE) supervise l’accueil de la petite enfance en Fédération Wallonie-Bruxelles. Depuis 2011, il a fait réaliser par l’Université de Liège deux recherches en vue de professionnaliser les métiers d’encadrement (lire par ailleurs). Elles font l’état des lieux, listent les compétences nécessaires et préconisent la mise en place de trois profils de métier et de formation.

D’abord, il faudrait créer un bachelier en éducation de l’enfance. Au terme d’une dizaine d’années, il devrait être majoritaire dans les maisons d’accueil subventionnées. Une telle formation existe en Flandre (lire par ailleurs) et a déjà livré deux « fournées » de diplômés. Il faudrait l’accompagner d’un master pour les personnels d’encadrement. Enfin, en secondaire supérieur, un profil d’agent d’accueil regrouperait à terme toute une série de filières existantes. Ce pourrait être le niveau minimum pour travailler dans les milieux d’accueil y compris à domicile.

Ces études proposent aussi de phaser cette réforme et de l’accompagner de passerelles verticales et horizontales et d’un processus de valorisation de l’expérience acquise. Des conditions indispensables pour permettre au personnel en place de s’accommoder au processus.

Tout cela aura un cout. Selon Eddy Gilson, directeur du secteur de la petite enfance à l’ONE, « il reste à évaluer. Mais il faut aller de l’avant. Si on ne traite pas ensemble la petite enfance et l’éducation aujourd’hui, on va creuser le fossé entre elles. Il faut saisir l’opportunité d’un momentum historique : la même ministre partage ces compétences ; elle a lancé une vaste réflexion sur l’école, le Pacte d’excellence, pendant que se continue la réflexion sur la réforme de la formation initiale ».

Une tendance internationale

Ce projet de réforme ne tombe pas du ciel. Selon l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDÉ) (2), tout un corpus de recherches, issues en particulier des neurosciences, montrent que l’éducation et l’accueil des jeunes enfants constituent une base fondamentale pour les apprentissages futurs.

Ces mêmes travaux soulignent la nécessité d’un accueil de qualité : il favorise le développement identitaire de l’enfant plus rapidement, le développement d’interactions et de comportements solidaires entre enfants et entre enfants et adultes. À long terme, un accueil de qualité favorise l’essor économique de la société, préoccupation centrale de l’OCDE.

En Europe, les chercheurs vont dans le même sens. Dans les années ’90, l’Anglais Peter Moss lance un réseau européen des modes de gardes d’enfants, déjà sensible à la qualité de l’accueil (3).

La Belgique n’est pas en reste. L’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE) édite un référentiel pionnier en 2002 (4). En 2003, il sert de base à une réédition du code de qualité dont la première édition, par la Fédération Wallonie-Bruxelles, datait de 1999. Celui-ci enjoint les milieux d’accueil d’avoir un projet éducatif élaboré de façon concertée par le personnel, avec consultation des parents, et d’obtenir une attestation de qualité (facultative dans le privé).

Selon la professeure Florence Pirard (ULg), les exigences de compétences des métiers de l’accueil se complexifient. « Un exemple ? La position au repos d’un bébé de deux mois. Les psychologues préconisent aujourd’hui de le déposer sur le dos pour qu’il puisse bouger plus facilement. Les médecins préfèrent l’éviter parce que l’enfant voit autour de lui toute une série de gadgets et ne bouge plus, s’exposant au syndrome du crâne plat. Les puéricultrices veillent sur l’enfant de façon globale. Elles doivent voir entre autres des notions de psychologie, de médecine. De plus, elles doivent prendre en compte ou corriger les désirs des parents, plus pointus qu’auparavant ».

Une déprofessionnalisation de l’encadrement

Selon les chercheurs, la qualité de l’accueil dépend notamment d’une bonne formation des personnels.

Paradoxalement, selon Jan Peeters, directeur du Centre d’innovation de la petite enfance (Université de Gand), on assiste parfois en Belgique à une « déprofessionnalisation » de l’encadrement… Sur le terrain, en Flandre jusque tout récemment, il n’y avait pas de contrôle de la formation du personnel d’accueil de la petite enfance. Et, dans les années ’80, les pouvoirs politiques ont davantage investi sur l’accueil à domicile, moins onéreux, mais pour lequel aucun diplôme n’était requis.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, avant d’être ce qu’elle est aujourd’hui, la formation de puériculture relevait de la qualification. Et, selon Mme Pirard, « actuellement, cette filière pourrait avoir une dimension psycho-éducative plus importante. Celle des accueillantes d’enfants représente à peine une centaine d’heures, et surtout, il n’y a aujourd’hui aucun cursus de niveau supérieur pour l’accueil, alors que c’est le cas pour l’enseignement préscolaire ».

Notons que cette exigence de qualité est encore plus importante pour les familles précarisées (lire par ailleurs). Or, si les structures de qualité bénéficient particulièrement à ce public - et c’est la première institution qu’il rencontre -, on constate qu’en Belgique, elles sont présentes davantage dans les communes les plus riches.

Et à l’école ? Pour certains témoins, « quant aux conditions de travail et d’encadrement dans le maternel, les écoles trouvent des solutions, mais il reste une marge d’amélioration. Et quant à l’accueil parascolaire, il se caractérise souvent par la débrouille ».

Un chantier énorme

Cette réforme est-elle à nos portes ? Selon Mme Magien, du Service francophone des métiers et des qualifications (SFMQ), il y a encore du pain sur la planche avant d’entamer la mise en œuvre de profils de formation et de métiers. « Il faut réaliser la grappe des métiers du secteur, déterminer l’ensemble des métiers proches et les différents liens (inclusion, intersection, hiérarchie …) entre eux. Et collecter l’ensemble des éléments relatifs aux aspects législatifs et aux mesures transitoires… que pourra apporter l’ONE ».

Quelles seront les activités professionnelles des agents d’éducation ? Avec quel niveau d’autonomie et de responsabilité par rapport aux bacheliers ? Quels métiers/formations subsisteraient ? Puériculteur, auxiliaire de la petite enfance… ? Qu’adviendra-t-il de la filière aspirant en nursing et accueillant d’enfant à domicile (Ifapme) ? Les accueillantes à domicile devront-elles devenir agents d’éducation ? Va-t-on revoir les statuts de tous ces personnels ? Dans quelle proportion va-t-on engager les bacheliers en milieu d’accueil ?

Isabelle Vanvarembergh, responsable de la direction psychopédagogique de l’ONE : «Rien n’est fait. En ce moment même, l’ONE réfléchit avec les acteurs concernés (cabinets ministériels, administration, SFMQ, ARES…) à apporter une vision qui répond à toutes ces questions en tenant compte des études citées. Si on met cette réforme en chantier, cela devrait prendre des années ».

Ces acteurs devront aussi sans doute tenir compte des recommandations formulées par le Conseil de l’Éducation et de la Formation (CEF) dans son Avis 1035. « Les puéricultrices sont des auxiliaires précieuses en accueil et en 1e année maternelle. Le CEF encourage le pouvoir politique à stabiliser leur situation dans les écoles et à poursuivre une politique d’élargissement du cadre statutaire de ces personnels ».

Il recommande aussi de veiller à ce que la formation initiale et continue des puéricultrices soit adaptée à cette fonction qu’elles sont appelées à exercer de plus en plus fréquemment. Enfin, selon le CEF, leurs missions devraient être officiellement revues pour concorder avec la réalité d’une part, et pour affirmer leur spécificité vis-à-vis de celles des institutrices d’autre part.

On le voit : la réforme de l’encadrement de la petite enfance est un chantier énorme lié à de nombreux enjeux. Citons-en un dernier : dès aujourd’hui, il faudra faire un travail important de communication. D’abord vers les personnels du secteur.

Mais Florence Pirard va plus loin : « Cette réforme ne réussira que si tous les acteurs s’engagent sur un travail de communication tous azimuts, vers le politique, les formateurs, les parents : il s’agit de changer les représentations actuelles de cet encadrement et de rendre visibles les compétences et le degré de complexité de métiers qui sont souvent invisibles ».

Catherine MOREAU et Patrick DELMEE

(1) BOUCHAT C., FAVRESSE C., MASSON M., La journée d'un enfant en classe d'accueil, FRAJE et Observatoire de l'Enfant de la Commission communautaire française,  2013. http://bit.ly/1Nq2m4W
(2) Ce discours parcourt les ouvrages de l’OCDE depuis de nombreuses années. Citons-en un tout récent: OCDE, Petite enfance, grands défis IV - Le suivi de la qualité dans les services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, Paris, 2015. http://bit.ly/1lJ9oY9
(3) MOSS P. (coordonnateur du rapport), Garde d'enfants dans la Communauté européenne. 1985-1990 / Réseau européen des modes de garde d'enfants de la Commission des Communautés européennes, 1990.
(4) ONE, FONDS HOUTMAN, Accueillir les tout-petits. Oser la qualité, 2002, http://bit.ly/1O0zD2Q
(5) CEF, Avis 103 http://www.bit.ly/1IFETam