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Magazine PROF n°47

 

Coté psy 

Assuétudes: comment l’école peut prévenir

Article publié le 12 / 09 / 2020.

L’école a un rôle à jouer pour prévenir les assuétudes. Mais il y a des modes de prévention inopérants…

Natacha Delmotte, criminologue de formation, est directrice de l’ASBL Trempoline. Fondée en 1985 pour accompagner les personnes dépendantes aux drogues vers l’autonomie, l’association mène également, depuis une vingtaine d’années, un travail de prévention des assuétudes dans les écoles.

La prévention passe aussi par la compréhension par les adolescents de ce qu’est une dynamique de groupe.
La prévention passe aussi par la compréhension par les adolescents de ce qu’est une dynamique de groupe.
© Syda Productions/Adobe Stock

L’ASBL fait partie des opérateurs avec lesquels la Fédération Wallonie-Bruxelles met en œuvre son programme de lutte contre les assuétudes pour les écoles(1). Et Mme Delmotte assure des formations à l’Institut de la Formation en cours de Carrière sur l’accompagnement du jeune qui présente des conduites à risque (lire ci-dessous).

PROF : Au départ, le but de votre association n’était pas d’intervenir dans les écoles sur la question des assuétudes. Comment cela s’est-il passé ? 
Natacha Delmotte : À mes débuts à Trempoline, les voitures s’arrêtaient au coin de la rue pour 
qu’on ne sache pas qu’on nous conduisait quelqu’un pour désintoxication. Et ça ne se produisait qu’en dernier recours, après avoir tout essayé. On soignait des héroïnomanes, des cocaïnomanes, avec de grosses consommations. Aujourd’hui, c’est moins le cas et on travaille beaucoup de formes de dépendances : cannabis, alcool, réseaux sociaux, jeux, troubles alimentaires, scarifications,…

La société a évolué, on aborde davantage la personne dans sa globalité, la réflexion sur la santé mentale s’est invitée.

Vers 2000, le cannabis a connu une forte percée dans les écoles et beaucoup – professeurs, directeurs, associations de parents, psychologues, PMS… – se sont présentés à nous en demandant d’exporter à l’école les outils que nous utilisons pour soigner les dépendances, ainsi que le mode de fonctionnement de notre communauté thérapeutique. La direction de l’époque a eu la sagesse de dire qu’on ne le ferait pas, parce qu’une communauté thérapeutique, ce n’est pas une école.

Ce qu’on a accepté de faire, et ce qu’on fait encore, c’est utiliser notre expérience pour former des professionnels de l’enseignement à : comment aborder, comment détecter, et finalement, comment suivre les adolescents par rapport aux consommations problématiques ? Et à travers quel cadre.

PROF : Quelle différence faites-vous entre dépendance et assuétudes ? 
N.D. : Usage, abus et dépendance présentent des différences qu’on explique aussi bien aux professionnels qu’aux familles. On me met parfois en contact avec des jeunes qui ont fumé deux fois du cannabis en les qualifiant de toxicomanes. Non ! Il peut y avoir un usage non problématique. Avec l’abus de substances, on peut voir une situation problématique s’installer. La notion d’abus doit se comprendre à la lumière d’éventuelles répercussions. La dépendance, c’est la focalisation sur la consommation et le fait d’entretenir une relation extrême avec un produit au-delà du concept de répétition.

PROF : Ce qui se présente rarement dans les écoles ? 
N.D. : Ça dépend. Il arrive qu’au départ, on pense qu’il y a usage alors que c’est une dépendance, et vice-versa. Le savoir demande du temps. Beaucoup d’écoles veulent savoir instantanément, ce qui n’est pas possible. Je mets régulièrement en garde les enseignants : ne vous laissez pas envahir par ce que vous craignez de trouver, et vous mettre à chercher un toxicomane derrière chaque élève. Pour certains, la consommation sera sporadique. D’autres vont continuer à s’enfoncer dans la consommation, signe d’un mal-être qui doit être questionné.

PROF : Quel type de prévention peut-on mettre en place ? 
N.D. : Demander à des adolescents de comprendre les implications d’une consommation actuelle dans les dix prochaines années ne sert à rien, des travaux montrent qu’ils sont incapables de telles projections(2).

Il faut faire parler les adolescents, ils ont un grand sentiment d’être seuls.

J’anime des groupes de paroles dans des classes. Dans ces ateliers, on parle très peu cannabis, alcool,… ; on parle de comportements. « J’ai besoin de ça pour me sentir à l’aise. » Et c’est intéressant quand l’un dit : « Pourquoi tu n’as pas demandé de l’aide ? » Donc, des gens peuvent t’aider, mais aussi et surtout, quelle autre solution aurais-tu pu trouver pour toi-même, par toi-même ?

On travaille la dynamique de groupe ; on s’observe soi en lien avec les autres ; on apprend à prendre position dans un débat. Cela me fait sourire quand un adulte dit d’un jeune « Il n’avait qu’à refuser de tirer sur ce joint », comme si c’était aussi facile.

Il n’y a pas de miracle mais à chaque âge peut correspondre un média. Une école m’avait appelée pour que je dise à ses rhétoriciens de ne pas boire pendant leur voyage scolaire. On a fait tout autre chose : une charte de responsabilisation, afin qu’ils ne se mettent pas en situations de risques, avec des engagements concrets : avoir le numéro de téléphone d’un éducateur dans son GSM et y mettre celui du service d’urgence quand on arrive sur place ; ne pas laisser un camarade qui ne va pas bien seul dans sa chambre, etc.

Si on ne travaille pas la dynamique de groupe, les compétences psycho-sociales, la construction d’une colonne vertébrale, ces adolescents, on ne les aide pas…

Enfin, avec les personnes qui souffrent d’assuétudes, il faut savoir se montrer cohérent. Quand on lit les parties des règlements d’ordre intérieur d'écoles relatives à la consommation de substances, l’usage du GSM et des réseaux sociaux, etc., on trouve parfois des phrases alambiquées où on devine un certain malaise…

PROF : Clarté du message, donc, mais estce compatible avec la bienveillance, l’empathie ? 
N.D. : Oui, parce qu’on peut être normatif et nourricier.

Propos recueillis par Monica GLINEUR

(1)  Notamment par des appels à projets, lancés par circulaire (voir la dernière circulaire 7688). 
(2)  Lire à ce sujet SALOMON L., Cerveau, drogues et dépendances, Belin, 2010.

Pour en savoir +

Une étude marquante

Dans leur article "Results of an evaluation study on three drug education models", paru en 1975 dans la revue International Union for Health Education, W. De Haes et J. Schuurman ont étudié l’impact de trois approches préventives sur la consommation de drogue des jeunes : la prévention centrée sur la mise en garde ; la prévention informative « neutre » et 
« objective », centrée sur les produits ; la prévention centrée sur les personnes et leurs réalités.

Les résultats ont indiqué que les deux premières approches ont un effet pervers et que seule la dernière a un effet positif. L’étude, dont les résultats ont été confortés par d’autres, a marqué les esprits des professionnels des secteurs de la prévention et du traitement des assuétudes et dépendances. Infor-Drogues évoque cette étude au verso d’une de ses affiches de prévention, disponible via infordrogues.be/affiches/4_Parler_des_drogues.pdf.

Des formations IFC 

L’Institut de la Formation en cours de Carrière propose des formations, assurées par Natacha Delmotte : « Accompagner le jeune qui présente des conduites à risques : la question de la consommation d'alcool, tabac, cannabis, réseaux sociaux, GSM, internet, jeux vidéo et les comportements qui y sont associés. » Onze sessions de deux jours sont programmées en 2020-2021. www.ifc.cfwb.be (code de formation 708002004).

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