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Magazine PROF n°54

 

Droit de regard 

Apprendre à respecter les différences...

Article publié le 03 / 06 / 2022.

Homme de lettres et de théâtre, Stéphane Maton-Vann nous partage son regard sur l’école d’hier et d’aujourd’hui, ses missions d’ouverture aux autres, quels qu’ils soient.

L’homophobie vient surtout de la peur de  l’autre, de ses différences. Parce que je ne le  connais pas.
L’homophobie vient surtout de la peur de l’autre, de ses différences. Parce que je ne le connais pas.
© FWB/PROF

Matthew Shepard, Ihsane Jarfi, Islan Nettles… Des noms peut-être inconnus, mais qui pourtant ont fait la une de l’actualité pour de sordides raisons. Ces hommes et femmes sont devenus des noms et des visages de la lutte pour la tolérance et contre l’homophobie.

Ces hommes et ces femmes ont pour point commun d’avoir été assassinés de manière violente simplement parce qu’homosexuel-le-s.

C’est à la veille de la Pride de Bruxelles, dans le quartier Saint-Jacques bariolé des drapeaux arc-en-ciel, à deux pas de la fresque murale de la street artiste Anthea Missy dédiée à Ihsane Jarfi (1) que j’ai rendez-vous Stéphane Maton-Vann, qui a remporté le 1er prix du roman gay avec Falciato.

PROF : votre récit authentique est basé sur des faits réels d’homophobie. Comment l’école peut-elle lutter ?

Stéphane Maton-Vann : En fait, je pense que l’école peut lutter contre l’homophobie en particulier et contre toutes les intolérances en général, en éduquant. Pour moi, éduquer cela signifie apprendre à connaitre l’autre, à le respecter en tant qu’individu différent de soi, à respecter des valeurs, des institutions.

L’homophobie vient surtout de la peur de l’autre, de ses différences. Parce que je ne le connais pas. Et ce que l’on ne connait pas fait peur. C’est comme le racisme : je pense qu’on a des pensées et propos racistes parce qu’on ne connait pas l’autre, sa culture, ses coutumes.

Depuis toujours, l’Homme a besoin de boucs émissaires et comme souvent, ce sont les minorités, les plus faibles qui sont désignés responsables.

L’école a donc un rôle à jouer en ouvrant le plus possible à l’autre. En offrant un enseignement le plus large possible du point de vue culturel, artistique, humaniste…

Les activités d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras) ne sont pas toujours systématisées. Votre avis ?

Je me demande pourquoi ce n’est toujours pas une réalité. Je me pose la question des freins. Pourtant, avoir une démarche humaniste, bienveillante et éducative sur l’amour, le respect de soi et des autres, les relations humaines, c’est essentiel.

Pour moi, il faut commencer très tôt et ne pas attendre la rétho. Je me souviens qu’en 5e primaire, j’avais eu un cours d’éducation sexuelle. Mais je me souviens aussi qu’à l’époque on ne nous présentait qu’un seul modèle d’amour : papa, maman, des enfants. On ne nous disait pas que l’on pouvait aimer autrement.

Quand on se posait des questions sur soi, on se disait qu’on était à côté de la plaque… Aujourd’hui, il est important de dire que l’amour est multiple. On l’oublie souvent, mais ce n’est pas simple de se construire si on ne présente aux jeunes qu’une version de la vie.

Idéalement, il faudrait que tous les profs, quel que soit leur matière, soient dans la bienveillance à l’égard de tous. L’homophobie ordinaire, même sans s’en rendre compte, est encore présente. Je me souviens que lorsque j’ai subi des agressions homophobes à l’école, ma titulaire de sciences sociales m’a beaucoup aidé, m’a soutenu, mais pas tous les profs…

Ce qui me fait peur par contre, c’est que l’ouverture affichée actuellement ne soit que de façade. Il est de bon ton de se dire « LGBTQIA+ (2) friendly » en affichant un joli drapeau. Mais dans les faits c’est totalement différent. Voilà pourquoi l’école a encore beaucoup à faire.

Une fresque commémorative de 80  mètres peinte par la street artiste Anthea Missy se  trouve 36 rue Saint-Christophe, à Bruxelles.
Une fresque commémorative de 80 mètres peinte par la street artiste Anthea Missy se trouve 36 rue Saint-Christophe, à Bruxelles.
© FWB/PROF

Pratiquement, comment faire ?

Il ne faut pas forcément faire peur aux jeunes. On peut dénoncer les crimes homophobes, mais on peut aussi montrer de belles histoires d’amour via des films, des œuvres d’art, des lectures. Car au final, c’est de cela dont il s’agit : d’amour.

Dans Falciato, le début de l’histoire se passe dans un lycée. C’est drôle, rigolo et ça traite d’amitié, d’amour. Évidemment, la fin est beaucoup plus sombre… Mais c’est en parlant d’amour, d’hommes et de femmes qui s’aiment que l’on peut faire avancer les choses.

Quel rôle l’école a-t-elle joué dans votre choix de carrière ?

C’est à l’école que j’ai découvert le théâtre. Mes professeurs m’ont toujours encouragé dans ce choix et ne m’ont jamais mis de bâtons dans les roues. Ils auraient pu en fin de 6e secondaire me faire passer une seconde session dans l’une ou l’autre branche scientifique, mais ils savaient que j’intégrerais le cours Florent à Paris et ne m’ont pas « embêté ». Ils m’ont mis sur les rails.

Par contre, j’ai toujours regretté que l’on ne présente que rarement les métiers d’art et d’artisanat quand arrive le moment du choix après les secondaires. On présente les universités et les hautes écoles, mais rarement les académies, les métiers manuels. C’est dommage.

Quel regard portez-vous sur l’école aujourd’hui ?

Lorsque je vais dans des écoles pour animer des ateliers sur la différence, l’inclusion, comme bénévole pour l’association EOP! (association dont le but est de sensibiliser à la différence), je constate très souvent que c’est dans les écoles dites les plus difficiles, les plus populaires, que les jeunes sont le plus en demande. Ils ont soif de connaissances, de rencontres, et apportent beaucoup une fois qu’on arrive à capter leur attention.

J’espère aussi que l’école d’aujourd’hui formera des gens ouverts sur le monde, aux autres, et pas uniquement des personnes brillantes dans un seul domaine. Car in fine, plus la culture générale est large, plus on s’ouvre aux autres et là on peut vivre ensemble.

Propos recueillis par
Hedwige D’HOINE

 

(1) Ihsane Jarfi est ce jeune homme liégeois battu à mort en 2012 par des hommes qui voulaient « casser du pédé ».

(2) Sigle qui recouvre les termes lesbienne, gay, bisexuel·le, transexuel.le, queer (mot englobant toutes les orientations sexuelles et les identités de genre de la communauté), intersexe et asexuel-le (ou aromantique). 

En deux mots

Comédien de formation, poète, auteur de romans et de théâtre, metteur en scène, Stéphane Maton-Vann est aussi écrivain public et galeriste. En 2021, il a remporté le 1er prix du roman gay avec Falciato, opuscule (texte de 5 000 mots) publié aux éditions Lamiroy, à Bruxelles.

Il a animé et dirigé plusieurs ateliers théâtraux, débutant cette carrière en dirigeant la troupe de l’école secondaire bruxelloise où il a fait ses études.

Stéphane Maton-Vann intervient aussi dans les écoles en tant que bénévole pour EOP! (Extra & Ordinary People!), association dont le but est de sensibiliser à la différence.

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