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Magazine PROF n°1

 

Dossier Réussir dans le supérieur

Tutorat de transition, un apprentissage mutuel

Article publié le 01 / 03 / 2009.

Professeur de didactique aux Facultés universitaires de Namur et à l’UCL, Marc Romainville dirige un projet visant à promouvoir l’égalité des chances et l’accès à l’enseignement supérieur. Financé par la Fondation Roi Baudouin et la Loterie nationale, ce projet initié en novembre 2007 est actuellement réalisé par l’Académie universitaire Louvain sous la coordination de Pascale Lepage (FUNDP). PROF a rencontré Marc Romainville dans son bureau de la place Saint-Aubain à Namur.

PROF : Qui sont les tuteurs et les tutorés ?
Marc Romainville : Les tuteurs sont des étudiants d’agrégation ou de masters à finalité didactique. Ce sont de futurs professeurs de l’enseignement secondaire. Quant aux tutorés, ce sont des rhétoriciens issus de milieux multiculturels ou défavorisés. Nous avons choisi les écoles qui figurent sur la liste des établissements à discrimination positive de la région de Bruxelles, du Hainaut et de Namur.

Et puis il y a des écoles que je connaissais. Les écoles ciblées sont invitées à partager notre projet, mais il faut que cela reste un choix pour elles. Le tutorat reste également un choix pour les tuteurs comme pour les tutorés. Il se fait sur une base volontaire de tous les acteurs concernés. Il faut qu’il y ait un intérêt pour la démarche.

Mais cela ne suffit pas, encore faut-il qu’il y ait un relais pour accueillir et encadrer les étudiants dans les écoles où le tutorat est pratiqué. La collaboration est donc importante. Enfin, il y a un aspect important du tutorat : c’est le volet « identification ». Le jeune peut s’identifier à son tuteur puisqu’il est à peine plus âgé que lui.

Comment cela se passe-t-il concrètement ?
Avant les séances de tutorat, on commence par un test (au choix) en mathématiques ou en français, selon la filière vers laquelle le jeune veut s’orienter. Les tests portent sur les prérequis de base. Ensuite est organisée une séance de feed-back avec les tutorés sur leurs résultats au test. Il s’agit d’une séance collective d’abord, puis individuelle pour les élèves qui en font la demande. Après quoi, les élèves qui le souhaitent peuvent s’inscrire à des séances de tutorat, mais ce n’est pas obligatoire. Il y a cinq ou six séances d’une heure. Elles ont lieu le mercredi après-midi.

Quelques heures de tutorat, est-ce suffisant ?
En fait, cela correspond à 15 heures de séminaire pour les tuteurs. Les tuteurs peuvent choisir, dans leur programme d’agrégation, 15 heures qu’ils consacrent à du tutorat. Mais l’on espère passer à 25 heures. Le tutorat n’a pas vocation à remédier aux lacunes des tutorés mais à les mettre en évidence. Quand les élèves ont des lacunes gravissimes, c’est presqu’un feu rouge. C’est un avertissement, en quelque sorte. Cela permet aussi au tutoré de comprendre qu’il vaut mieux ne pas aller dans l’enseignement supérieur s’il a toutes les chances de ne pas s’en sortir et de perdre un an.

Il faut toutefois faire preuve de prudence, de délicatesse ; faire un diagnostic, mais pas de pronostic. Un ancien recteur racontait parfois qu’on lui avait dit qu’il ne ferait jamais d’études supérieures ! Le tuteur a certes aussi pour mission de mettre en garde le rhétoricien sur les difficultés et sur le niveau d’exigence des études supérieures ; il ne peut pas le déconseiller. Il faut donc être très prudent et ce n’est pas le rôle des tuteurs de faire de l’orientation. Il existe une formation sur le tutorat, en une séance, organisée en soirée. Le tuteur n’est pas le professeur ! Il ne peut pas non plus se substituer à l’élève. Il faut le laisser choisir…

Quels sont les avantages du tutorat de transition ?
Pour les tutorés, le tutorat permet de bénéficier d’un accompagnement personnalisé dans une ambiance d’entraide, de recevoir des conseils pratiques et méthodologiques, mais aussi de remédier à certaines lacunes ciblées tout en renforçant leur motivation. Cela permet aussi aux tutorés de voir que, parmi les tuteurs, il y en a qui, comme eux, sont issus de milieux défavorisés et qui néanmoins font des études supérieures.

Pour les tuteurs aussi, c’est un projet intéressant car cela leur permet, dans le cadre de leur cursus, de développer leurs compétences en termes d’accompagnement pédagogique, de développer un autre regard sur la manière d’enseigner et d’ajouter une expérience professionnelle en plus sur leur CV. Mais le tutorat leur permet également d’aller à la rencontre de différences interculturelles et sociales et de dépasser leurs a priori sur le sujet.

Propos recueillis par
Étienne GENETTE

Témoignage

Hélène Haug, doctorante en littérature médiévale à l’UCL, était tutrice à l’école Maris Stella, dans le cadre de l’agrégation : « J’ai donné un tutorat de français à trois élèves en filière technique de qualification. Ma principale motivation était que ces élèves avaient choisi le tutorat. Ils acceptaient le pari de perdre une partie de leur mercredi après-midi pour gagner plus de chances de réussir dans leurs études ultérieures ».
« Le contenu précis de ce capital à gagner leur échappait pourtant. C’est cette confiance dont ils ont fait preuve qui m’a le plus apporté sur le plan humain. J’ai essayé de transmettre des outils simples pour développer les compétences en lecture : travailler avec des élèves d’une classe technique m’a apporté, à moi aussi, une expérience nouvelle ».