Magazine PROF n°54
L'acteur
Instit bilingue, c’est tof !
Article publié le 03 / 06 / 2022.
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La Haute École Francisco Ferrer (HEFF) et la Erasmushogeschool Brussel (EhB) ont uni leurs forces pour former des enseignant-e-s primaires bilingues. Depuis 2017, le projet donne de bons résultats.
Laurie Josens, coordinatrice du projet à la HEFF, et Bram Deraedemaeker, son homologue de la EhB, expliquent que l’option bilingue est un plus pour les futur-e-s instituteur-rice-s.
PROF : Pour qui est ce bachelier ? Qu'apporte l’option bilingue à la profession d'enseignant-e ?
Laurie Josens : À la HEFF, l’option bilingue s’ajoute au bachelier instituteur primaire. En septembre 2021, l’option extracurriculaire a été reconnue comme Certificat de Haute Ecole en didactique du néerlandais langue seconde et langue d’immersion. Un-e étudiant- e en bachelier instituteur primaire ou préscolaire peut s’inscrire au Certificat et ainsi ajouter une corde à son arc. Les compétences linguistiques sont un réel atout pour l'insertion professionnelle et le développement personnel.
Unique en Belgique, le Certificat s’articule sur trois grands axes : renforcement du néerlandais à travers des cours dans la langue de Vondel ou en immersion, rencontre et découverte de la communauté néerlandophone (projet Tandem, rencontre d’étudiant-e-s de la EhB, stage dans une école néerlandophone, etc.) et acquisition de pratiques didactiques novatrices (enseignement de la langue par le rythme et la musique, CLIL/EMILE (1), code-switching (2), etc.).
Bram Deraedemaeker : L’étudiante inscrit-e au programme de formation d’enseignant-e du primaire à la EhB passe par la voie bilingue. Ce n’est pas facultatif. C’est un choix logique. Tout‑e enseignant-e du primaire est censé‑e pouvoir aussi enseigner le français (peu importe où il/elle est formé-e). Grâce au parcours bilingue, les candidat-e-s sont préparé-e-s pour donner des cours en français, mais aussi pour enseigner en tant que prof d'immersion ou de néerlandais dans l'enseignement francophone.
Quels sont les débouchés avec un tel bachelier bilingue ?
L.J. : Il en offre plusieurs. Pouvoir enseigner le néerlandais langue seconde dans les écoles francophones, donner cours en néerlandais dans les écoles en immersion à Bruxelles notamment, enseigner le français dans les écoles néerlandophones, monter des projets collaboratifs avec des collègues d’une école néerlandophone voire devenir plus flexible et attrayant pour les écoles ou sur le marché de l’emploi.
B.D. : À la EhB, le bachelier « classique » permet de pouvoir enseigner en français. Grâce à la collaboration avec la HEFF, les étudiants comptent des camarades avec qui ils peuvent apprendre la langue de Molière dans un contexte informel et via des méthodes pratiques. Apprendre une langue en l’utilisant et en agissant est au coeur de notre collaboration. Des amitiés et même des histoires d’amour se développent entre étudiants des deux communautés, ce qui peut pérenniser leur rapport à la langue après la formation. Au lieu d'enseigner le français et la didactique du français de manière théorique, nous le faisons via des projets : activités bilingues, stages d'immersion, etc. Vous êtes préparés pour donner de meilleures leçons dans l'enseignement néerlandophone, mais aussi pour travailler dans l'enseignement en immersion ou en tant que prof de néerlandais dans l'enseignement francophone.
Si c'est trop compliqué pour un-e étudiant-e de la HEFF ou que ça ne lui plait finalement pas, est-il possible de revenir au bachelier classique sans perdre ses crédits ?
L.J. : Il ne faut pas être bilingue pour s’inscrire à la formation. Le niveau de néerlandais au sortir du secondaire suffit. Vu qu’il s’agit d’une formation en supplément au bachelier, l’étudiant-e peut décider d'interrompre le Certificat à tout moment au cours de ses trois années d’études et poursuivre son bachelier « classique » sans conséquence.
Ce bachelier est-il créé pour pallier la pénurie de profs ou anticiper le besoin d'enseignants en néerlandais dans les écoles francophones de Bruxelles ?
L.J. : Aujourd’hui, les écoles en immersion se multiplient au sein de la FW-B et de la Ville de Bruxelles. Le Pacte pour un Enseignement d’excellence prévoit en outre l’introduction de l’enseignement d’une langue étrangère dès la P3. Or, la pénurie de maîtres de langue seconde et d’enseignants pour l’immersion est importante en région bruxelloise. La VGC (3) et la Ville de Bruxelles ont donc financé la création de cette formation qui vise à former des enseignants compétents dans la langue seconde et capables de prendre en charge ces classes à l’avenir.
B.D. : C’est bizarre d'organiser les deux systèmes éducatifs séparément alors que tant de défis sont identiques de chaque côté. La coopération est logique et nécessaire. Nous devons ôter les œillères que nous avons encore trop souvent. S'il s'avère par exemple qu'un bain linguistique en néerlandais n'a pas les résultats escomptés, la valorisation de la langue d'origine a quant à elle une influence positive sur l'acquisition d'une langue. Il est donc logique d’organiser un projet dans lequel le français occupe une place de choix car c’est la langue maternelle de tant de nos étudiants. Beaucoup de diplômés disent qu'ils se sentent bien préparés pour enseigner dans un contexte multilingue et ont beaucoup moins peur d'utiliser différentes langues…
Les étudiants diplômés bilingues doivent-ils encore passer un examen (supplémentaire) pour enseigner
dans l'autre région ?
L.J. : Oui, nos étudiants doivent présenter la preuve de la compétence linguistique au niveau C1 du CECRL. Nous
souhaitons intégrer cet examen dans le Certificat pour celles et ceux désirant travailler dans des écoles de l’autre côté de la frontière linguistique.
B.D. : Si nos étudiants veulent vraiment enseigner en français, ils doivent aussi passer un examen supplémentaire. On
est en train de voir comment orienter un maximum d’entre eux dans cette direction. Le rêve, bien sûr, est d'obtenir un
jour un « bidiplôme », mais bon nombre de problèmes juridiques et surtout politiques se posent encore.
Combien d'étudiants pour cette option bilingue dans votre école cette année ? Et l'an dernier ?
L.J. : Actuellement, 43 étudiants inscrits. Ce chiffre augmente d'année en année à la HEFF !
B.D. : 85 étudiants suivent le programme. Ce nombre change tout le temps puisque certains rejoignent ou quittent le programme. Il a légèrement augmenté par rapport à l'an dernier. En partie grâce au cursus bilingue. Des étudiants qui ont débuté à l'EhB en 2021 disent avoir choisi l’école parce que le cursus existe.
Est-ce aussi organisé en horaire décalé ?
L.J. : Le Certificat s’organise en horaire de jour mais est aussi accessible en horaire décalé pour les étudiants du bachelier instituteur libres le mercredi après-midi. Trois étudiants ont choisi cette formule cette année. En 2022-2023, le Certificat va aussi s’organiser sur un an pour les détenteur-trice-s d’un titre pédagogique.
B.D. : C’est entièrement intégré au programme d'études, mais nous organisons des activités culturelles bilingues extrascolaires auxquelles les étudiant-e-s peuvent participer de manière facultative: pièce de théâtre multilingue, expo guidée bilingue, etc.
Propos recueillis et traduits par
Bertrand LARSIMONT
(1) CLIL pour Content and Language integrated Learning et EMILE pour enseignement d’une matière par l’intégration d’une langue étrangère.
(2) Action de changer de langue pendant un discours ou une conversation.
(3) Vlaamse Gemeenschapscommissie, la Commission communautaire flamande, www.vgc.be
Témoignages
Passées par la filière bilingue à la HEFF, elles témoignent.
Joanna Gillieaux (1er bac) : « C'est peut-être ambitieux mais je souhaiterais relever le niveau de néerlandais, pas toujours élevé (à mon gout) à certains endroits en Belgique. »
Claire Vanden Bosch (2e bac) : « Paradoxalement, l’apprentissage du néerlandais me permet de mieux maitriser le français. C’est très important dans notre métier car il représente notre principal outil de communication avec les élèves. »
Julie Lemaire (diplômée en 2020) : « J'avais pratiqué le néerlandais avant ma réorientation professionnelle et ne voulais pas perdre mes acquis. Aujourd’hui, je suis exclusivement professeure de néerlandais. Initialement, je ne m’aventurais dans cette fonction que pour un an. En fait, je m’épanouis pleinement dans ce rôle et compte bien continuer à le faire. »
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