Magazine PROF n°57

L'acteur 

Partenaire particulière

Article publié le 06 / 03 / 2023.
Article paru en ligne uniquement.

Louise-Marie Drousie est la coordinatrice du pôle pédagogique à l’ASBL O’YES spécialisée dans l’EVRAS, connue, entre-autre, pour sa chaîne Moules-Frites.

C’est à l’occasion de la sortie du nouveau guide en EVRAS que PROF a rencontré Louise-Marie Drousie. Découvrons cette partenaire de l’enseignement.

PROF : Qui êtes-vous et quelle est votre formation ?

Louise-Marie Drousie : Je suis sage-femme de formation et j’ai un master en santé publique. Depuis 3 ans, je suis la coordinatrice du pôle pédagogique à l’ASBL O’YES et chargée du projet Stratégies Concertées EVRAS.

Qu’est-ce que O’YES ?

Il s’agit d’une organisation de jeunesse qui travaille dans la promotion de la santé sexuelle auprès des jeunes de 15 à 30 ans dont le cœur de cible est les 18-25. On travaille par et pour les jeunes. Nous menons une multitude de projets avec, comme ligne directrice, l’éducation par les pairs. Nous formons des jeunes des années diplômantes de l’enseignement supérieur en hautes écoles et universités. Mais aussi des jeunes de kots à projets, de cercles, qui vont sensibiliser d’autres jeunes, souvent les étudiants de bac1 dans le cadre d’un parcours EVRAS.

Ce parcours est composé de différents stands ayant un thème spécifique comme la contraception, la pornographie, les IST, le consentement… Ceux-ci sont animés par des jeunes que nous formons. Ils sont accompagnés d’experts dans les thématiques que nous abordons.

Quels sont les liens entre O’YES et l’enseignement obligatoire et non obligatoire ?

Avec le secondaire, surtout les S5-S6, nous menons, en collaboration et concertation avec des représentants locaux de communes bruxelloises des projets EVRAS. Par exemple, en organisant un parcours de sensibilisation. Pendant une semaine, dans une commune, les jeunes des écoles viennent suivre ce parcours de 2-3h. Il s’agit de différents stands ayant chacun un thème différent animé par des jeunes et des structures ressources et partenaires (plannings familiaux, ASBL…). Ainsi, les jeunes savent vers qui se tourner si besoin. Les outils proposés sont des supports à la discussion.

Avant de commencer ce parcours, nous leur expliquons la charte de comportement bienveillant, mais aussi qu’ils peuvent refuser de participer à un stand. Nous ne les forçons pas. Soit ils passent à un autre, soit ils vont dans un coin lecture en cas de refus total. Nous demandons aux profs de se mettre en retrait afin de ne pas être intrusifs. Nous constatons qu’au début les jeunes sont parfois réticents à participer. À la fin, ils aimeraient continuer et prolonger les débats. Ils repartent avec un petit pack d’informations et ressources. Avec le supérieur, en plus des formations par les pairs, nous sommes intégrés aux crédits de cours « éducation à la santé » par exemple. Souvent on intervient aussi à l’initiative de profs qui font appel à des intervenants extérieurs. Parfois, ce n’est pas dans le cadre de cours, mais c’est rattaché à l’établissement comme projet, nous y intervenons toujours en accord avec les directions.

Pouvez-vous nous en dire plus à propos du nouveau Guide pour l’EVRAS-balises et apprentissages ?

Ce guide ⁽¹⁾ est le fruit du travail des Stratégies Concertées EVRAS qui a démarré en 2018. À partir de 2019, nous avons récolté les besoins des enfants, des jeunes, des professionnels. À la question « Quel est le frein à la généralisation effective de l’EVRAS en FW-B ? » a émergé la notion de guide qui assurerait des repères, de la cohérence dans le parcours scolaire, cohérence aussi entre les différents intervenant.es. Qui fait quoi ? À quel niveau ? À propos de quelle thématique ? C’est pour répondre à ces besoins qu’a été créé ce guide dont le nom est lourd de sens. Il s’agit de balises d’apprentissage, par tranches d’âges, en lien avec le développement psycho-affectif et sexuel. Il évolue en fonction du questionnement, du degré de maturité des enfants et des jeunes. Il ne s’agit pas d’un mode d’emploi tout fait, ni d’un manuel scolaire à suivre de A à Z. Ce n’est pas la bible de l’EVRAS. Ce guide est destiné aux professionnels en animation EVRAS. On ne se lève pas un matin, en se disant : « Je lis le guide et je pars faire des animations EVRAS. » Il y a tout un contexte de formations initiales ou continues, de connaissances à acquérir.

Pour l’élaborer, nous avons d’abord fait une revue de littératures et référentiels nationaux et internationaux sur le sujet. Parallèlement, nous avons récolté les besoins des jeunes, l’avis des professionnels, des équipes éducatives, des parents. Ce qui veut dire que nous avons récolté les besoins des professeurs, qui sont souvent les oubliés de l’EVRAS, alors que même s’ils ne font pas de l’EVRAS en tant que cours, c’est un domaine transversal : ils en font quotidiennement.

Ensuite, les étapes écriture, relectures avec les différents intervenants. Ce guide peut être utilisé par les enseignants à différents niveaux, si l’école souhaite mettre en place un projet, il outille à sa mise en place. Il fait aussi des liens avec les référentiels de l’enseignement. Il définit les prérequis en termes de savoirs, savoir-faire, savoir-être et les liens entre les thématiques. Il dresse aussi la liste des intervenants externes. Face à une problématique où trouver le professionnel qui pourra répondre au besoin (CPMS, PSE…).

L’EVRAS fait partie des missions de l’école depuis plus de 10 ans. Pourquoi est-ce encore souvent compliqué à mettre en place ?

Il y a différents freins à l’organisation de l’EVRAS. Le premier est la méconnaissance du sujet par les directions. De l’intérêt de ces questions pour le bienêtre des enfants et des jeunes. Certains se focalisent sur le S de sexuel alors que l’EVRAS traite des notions émotionnelles, relationnelles et affectives. On parle des émotions, des sentiments, de l’intimidé, de la pudeur, du consentement. Toutes des notions que l’on peut aborder bien avant 5 ans. La vie relationnelle et affective, on peut en parler dès le plus jeune âge, avec un vocabulaire adapté.

Le second, dans le chef de certaines directions est la non volonté d’en faire en tant que telle. Donc, s’il n’y a pas une démarche d’un membre de l’équipe éducative, il n’y a pas d’EVRAS.

La troisième est le manque de ressources humaines, financières et logistiques. Organiser ce genre d’activités nécessite des locaux adaptés, du personnel formé, sans oublier qu’il faut un budget pour les financer. Il n’est pas simple depuis la COVID d’avoir des partenaires-ressources de proximité vers qui les jeunes pourraient se tourner en cas de besoin. Enfin, le temps est un gros frein. Les équipes éducatives sont souvent demanderesses pour co-construire le projet avec nous, mais il n’est pas simple d’accorder les agendas, de trouver du temps dans des horaires déjà bien remplis.

La force que l’on a, c’est que souvent, ce sont des démarches qui viennent des jeunes, ils ont peut-être interpellé un prof. Quand les écoles viennent vers nous c’est qu’elles ont la volonté de mettre en place un projet. On répond donc à une demande et c’est une force.

En quoi êtes-vous une actrice de l’enseignement ?

Éduquer c’est aussi accompagner les enfants et les jeunes vers un bienêtre au niveau de leur vie relationnelle affective et sexuelle. Je pense que c’est la mission aussi des personnels de l’éducation. Donc, je suis aussi une actrice de l’enseignement.

Propos recueillis par Hedwige D'HOINE
 

⁽¹⁾ Certaines parties du guide font actuellement l'objet de révision. Une nouvelle version validée par les Stratégies Concertées EVRAS sera disponible très prochainement.