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Magazine PROF n°9

 

Dossier PISA n’est pas le bulletin des enseignants

« L’essentiel n’est pas le classement »

Article publié le 01 / 03 / 2011.

L’Appel pour une école démocratique voit PISA d’un œil pour le moins circonspect. Sauf quand l’enquête enfonce le clou sur l’inégalité de notre système éducatif. Explications avec Nico Hirtt, membre fondateur de l’APED (1).

PROF : N’y a-t-il pas un paradoxe à critiquer l’enquête PISA mais à en accepter les constats sur l’inégalité de notre système éducatif ?
Nico Hirtt :
Nous ne critiquons pas l’enquête ni sa méthodologie, mais nous disons qu’il faut être très prudent avec les leçons qu’on en tire. Dire que PISA mesure l’efficacité d’un système éducatif, c’est excessif. PISA mesure son efficacité en relation avec un certain nombre d’objectifs en matière de compétences en lecture, de compétences de base en mathématique et en culture scientifique. Or, les objectifs de l’enseignement sont bien plus vastes que ça !

La première mission de l’enseignement obligatoire consiste à former des citoyens critiques capables de comprendre et d’agir sur le monde dans lequel ils vivent. Et pour ça, il nous semble qu’il faut un minimum de connaissances en histoire, en géographie, en philosophie… Si PISA mesurait ces connaissances, il n’est pas sûr que les mêmes pays seraient en tête.

Je veux bien admettre qu’il est plus difficile de construire des épreuves comparables entre pays quand on aborde ces connaissances, qui dépendent évidemment des cultures et des contextes très différents. Mais à notre sens, le choix de se focaliser sur la lecture, les maths et les sciences ne découle pas uniquement de ces contraintes techniques : c’est un choix idéologique de l’OCDÉ, qui se traduit dans d’autres rapports et études. Sa vision de l’enseignement est qu’il est au service de la compétitivité des entreprises et des pays.

Nous ne critiquons pas l’enquête PISA mais nous relativisons la portée de ses résultats et nous voulons éclairer le contexte qui a présidé à sa création.

Qu’en retenez-vous alors ?
D’abord, qu’il est difficile de dire si la légère augmentation des résultats en compréhension de l’écrit est due à un réel progrès ou à la plus grande habitude qu’ont les élèves de ce type d’épreuve. Ensuite, que le classement, les comparaisons entre systèmes éducatifs ne sont vraiment pas l’essentiel. Nous, on ne va pas changer de discours maintenant que les résultats sont un peu meilleurs en Communauté française. Depuis le début, nous estimons que le plus important, ce sont les inégalités, les écarts entre les 25% des élèves les plus favorisés et les 25% les moins favorisés. Parce que cet écart est non seulement le plus élevé de tous les pays, mais en plus il est passé de 126 à 136 points d’écart entre 2000 et 2009.

Et là, vous suivez PISA ?
Oui, parce que si on ne peut pas garantir que les pays ou régions sont égaux face à PISA, par contre, à l’intérieur d’un système éducatif, les élèves sont confrontés à la même enquête, et les résultats sont donc comparables à l’intérieur de chaque système. Et elle nous apprend quelque chose sur son degré d’équité ! Pour nous, la gifle, c’est là qu’elle se situe !

Une inégalité sur laquelle les enseignants ont peu de prise, non ?
On ne peut pas dire que les pratiques en classe n’ont aucun effet, mais effectivement, il y a d’autres facteurs, structurels. D’abord le quasi-marché scolaire. Ensuite, chez nous, on choisit une école à 12 ans puis une filière à 14 ans. On organise la différenciation. Si tous les élèves suivaient le même parcours jusqu’à 16 ans, on ne pourrait pas dès 11-12 ans anticiper la sélection des uns et des autres et leur orientation vers telle ou telle filière ! Je crois que les enseignants sont bien conscients des inégalités, mais pas de leur caractère social.

(1) On trouvera aussi sur le site http://www.ecoledemocratique.org les actes du colloque organisé le 13 novembre 2010 par l’APED sur   "L’enseignement européen sous la coupe des marchés ».