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Magazine PROF n°17

 

Dossier T’ar ta gueule à la récré

Sur la scène et en coulisses

Article publié le 01 / 04 / 2013.

Le harcèlement entre élèves à l’école, c’est une violence dans laquelle les pairs, témoins actifs ou passifs, jouent un rôle particulier, à l’insu des adultes.

Considéré comme un des précurseurs des recherches sur les problèmes entre agresseurs et victimes, le psychologue norvégien Dan Olweus voit trois éléments-clés pour distinguer le harcèlement d’une simple chamaillerie entre enfants ou adolescents. Il s’agit d’une conduite agressive d’un (ou de plusieurs) élève(s) envers un (ou plusieurs) autre(s), avec l’intention de nuire, qui se répète régulièrement, et qui engendre une relation dominant/dominé (1).

Simple chamaillerie ou harcèlement ?
Simple chamaillerie ou harcèlement ?
© Fotolia/Ilike

Le harcèlement peut prendre des formes de violence physique (coups, dégradations du matériel scolaire, des vêtements, jeux dangereux effectués sous la contrainte) ou morale (moqueries, insultes, vexations, humiliations, surnoms, menaces, mise à l’écart, rumeurs colportées, publication de photos ou de vidéos,…).

Bien sûr, le phénomène n’est pas neuf. Littérature et cinéma en témoignent : de la jeune héroïne du film Después de Lucia, de Michel Franco, qui, plus jolie, plus brillante que ses camarades, devient le bouc émissaire de la classe, au Jeff de Bruce Lowery (La Cicatrice), en passant par le clip choc – et polémique – de la chanson Collège Boy du groupe Indochine, il s’est toujours trouvé des enfants « trop différents » qui ont subi de la part de leurs pairs des pratiques parasitant la vie sociale des classes et des cours de récréation.

Mais le harcèlement a sans doute pris un tournant avec le développement des technologies de la communication et de l’information. Les insultes, menaces et rumeurs, diffusées massivement et instantanément par GSM ou par Internet peuvent toucher un très large public. En outre, le harceleur peut rester anonyme et les contenus demeurer en ligne même quand cesse le harcèlement. Si le pic du harcèlement classique est généralement fixé à l’âge de 11 ans, celui du cyber-harcèlement monte à 15 ans.

Une mise en scène

À propos du harcèlement, Bruno Humbeeck, psychopédagogue à l’Université de Mons, parle d’une mise en scène où évoluent acteurs et spectateurs.

Avec des rôles bien stéréotypés ? Certes, on ne peut évoquer un profil particulier de l’auteur et de la victime, mais on peut tout de même repérer certains traits communs. Ainsi, la victime présente fréquemment certaines conditions de vulnérabilité : différence sociale ou ethnique, caractéristiques physiques (taille, corpulence, habillement hors des codes du milieu dominant). Elle peut aussi être en échec scolaire ou, au contraire, trop brillante,… Elle est souvent présentée comme manquant de confiance en elle, moins bien intégrée socialement et ayant donc peu d’amis pour se défendre. Plus rarement, cela peut être un enfant qui, par son comportement ou par son manque de concentration, suscite irritation et tension autour de lui.

Le harceleur, lui, figure souvent parmi les élèves possédant un certain charisme, désireux de s’imposer (parfois pour masquer une image fragile d’eux-mêmes), capables de faire rire et suffisamment malins pour repérer les petits travers des uns pour s'en moquer ensuite avec les autres. « C’est souvent un enfant possédant une grande fluidité verbale, exerçant un attrait sur ses pairs, précise Bruno Humbeeck. Une autre caractéristique, c’est que l’agresseur manque d’empathie, c’est-à-dire de la capacité de se décentrer de soi-même. Et puis, à l’adolescence, en particulier, casser l’autre constitue un moyen de se sentir exister ».

Mais les traits de personnalités n’expliquent pas tout : le harcèlement ne se maintient que parce que d’autres élèves, témoins, l’encouragent ou feignent de l’ignorer, soutiennent l’agresseur, us par un effet de groupe, soulagés de ne pas se trouver à la place de la victime ou par crainte de représailles de la part de l’auteur.

L'invisible visibilité

S’ajoute une autre caractéristique. Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie, cite volontiers l’expression d’« invisible visibilité » : « Si le harcèlement doit être vu par les autres élèves, il doit rester invisible aux yeux des adultes pour ne pas être sanctionné » (2).

Le phénomène peut exister dans tous les établissements scolaires. Cependant, Gie Deboutte, spécialiste dans ce domaine, l’observe : il se déclenche plus volontiers là où règne un climat de compétition et de concurrence, où les discussions en groupe, les moments ludiques et créatifs sont rares ; où il y a peu de surveillance durant les moments de liberté et où le dialogue entre école et parents peine (3). Trois chercheurs l’assurent dès lors (4) : « Les pratiques et les activités qui renforcent la coopération et la reconnaissance de la diversité des compétences des élèves seraient plutôt à encourager, car elles permettent de soutenir les contacts positifs entre élèves et de diversifier les opportunités de valorisation constructive ».

(1) Lire notamment OLWEUS D., Violences entre élèves, harcèlements et brutalités. Les faits, les solutions, Paris, ESF, 1999.
(2) BELLON J.-P., « On reste frileux au sujet du harcèlement à l’école », dans Actualités sociales hebdomadaires, 10 septembre 2010, p. 34. http://bit.ly/181i7qA
(3) DEBOUTTE G., L’enfant, ni loup, ni agneau, Namur, éd. Érasme, 1995
(4) BAUDOUIN N., GALAND B., HOSPEL V., « L’influence du contexte de la classe sur le harcèlement entre élèves », dans Prévenir les violences à l’école, Paris, PUF, 2012, p. 123-136.