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Magazine PROF n°18

 

Dossier Cours philosophiques : à la croisée des chemins

Cours philosophiques : à la croisée des chemins

Article publié le 01 / 06 / 2013.

Le débat autour des cours philosophiques suscite périodiquement prises de positions ou autres cartes blanches. Les pages qui suivent ont pour ambition de le resituer dans son contexte, historique, géographique, institutionnel. Et de présenter les pistes de réflexion qui émergent. D’où vient-on ? Quelle est la situation actuelle ? Vers où pourrait-on aller ? Vers un cours de philosophie commun à tous les élèves ? Vers de nouvelles balises des cours philosophiques tels qu’organisés actuellement ? Éléments de réponses dans ce dossier.

Comment vivre ensemble dans une société aujourd’hui multiculturelle, multilingue, multiconvictionnelle, toujours en quête de sens ? À côté de nos traditions séculaires viennent s’installer d’autres cultures, d’autres langues, d’autres convictions.

© Fotolia/Pict Rider

Moins de repères

Comment vivre ensemble ? La question se pose avec une pression croissante alors que l’individualisation gagne du terrain et que s’estompent les repères traditionnels. En Europe, par exemple, la pratique de la religion bat de l’aile. Selon Luce Pépin, auteure d’une étude sur l’enseignement relatif aux religions en Europe (1), un Européen sur quatre voire cinq n’est pas du tout religieux ; moins d’un Européen sur cinq fréquente un service religieux au moins une fois par semaine, alors qu’il y a vingt ans il y en avait deux fois plus.

Néanmoins, « cette tendance, explique-t-elle, ne peut être corrélée avec une perte du sentiment de religiosité ou un désintérêt pour les questions touchant aux valeurs spirituelles, au sens de la vie. Bien au contraire, ces aspects seraient plutôt en progression, en particulier au niveau de la jeunesse européenne, dans un monde excessivement porté sur le matérialisme et où les idéologies traditionnelles ne font plus recette ».

En 2002, Danièle Hervieu-Léger, co-auteure d’un rapport du Commissariat général au Plan (en France), sur Les croyances religieuses, morales et éthiques dans le processus de construction européenne (2), indiquait que « les Européens pratiquent peu, voire (comme c'est le cas en Scandinavie, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas ou en France) extrêmement peu. Le nombre de ceux qui déclarent une foi sans faille en un Dieu personnel (présentant les attributs du Dieu juif et chrétien) tend partout à s'éroder : elle s'établit à 36% en Europe et 20% en France, contre 69% aux États-Unis, où 93% des personnes interrogées déclarent croire en Dieu (contre 69% en Europe et 57% en France) ».

« Cette érosion des croyances portées par les grandes confessions religieuses, ajoute-t-elle, signifie moins le rejet de toute croyance que l'expansion d'une croyance molle ou peu déterminée en l'existence d'une puissance ou d'une force surnaturelle : on croit toujours, mais on se sait pas toujours exactement à quoi. Quant au nombre de ceux qui affichent un athéisme convaincu, il demeure relativement bas (5%), mais il s'établit en certains pays (et tout particulièrement en France avec 14% d'athées déclarés en 1999) à un niveau nettement supérieur au pourcentage de 1% attesté aux États-Unis ».

Parallèlement, pour Regis Debray, la disparition chez de nombreux élèves de toute référence à une culture religieuse leur rend inaccessible et inintelligible une part essentielle de leur propre héritage mais aussi du monde contemporain. L’ignorance et l’inculture d’une manière générale coupent les jeunes de leurs propres racines. Elles rendent l’acquisition de certains savoirs plus difficiles et, surtout, elles font le lit de l’intolérance et des préjugés (3).

Un défi pour l’école

Comment vivre ensemble ? Cette question, la société se la pose et la pose aussi à l’école. Sont particulièrement interpellés les cours qui permettent d’aller à la découverte des traditions et des convictions et vers la construction de son identité. Notamment les cours convictionnels et de morale non confessionnelle. En Belgique, depuis la création du Conseil consultatif supérieur des cours philosophiques, par décret (4), ces cours sont regroupés sous l’étiquette de cours philosophiques.

Via la liberté d’enseignement, la Constitution et le Pacte scolaire garantissent le choix d’une école qui défend des valeurs ou une tradition spécifiques et, au sein de l’enseignement officiel, d’un cours de religion reconnue par les autorités politiques ou d’un cours de morale non confessionnelle, selon les convictions des parents ou de l’élève majeur. L’offre de ces cours philosophiques sur le terrain diffère un peu selon les communautés (lire « Un état des lieux en Belgique »).

Ces cours ne sont pas à confondre avec un cours de philosophie. S’il y a bien ci et là des cours intitulés comme tels en Belgique (au Nord comme au Sud) dans l’enseignement secondaire, ils restent aujourd’hui confidentiels (lire « Un état des lieux en Belgique »).

Cette situation est le résultat d’une suite d’événements qui ont mis toute la société belge en tension plus d’une fois au cours de son histoire, avant de faire l’objet du Pacte scolaire. Celui-ci a réduit cette tension pendant cinquante ans. Selon certains, il a peut-être cadenassé toute évolution de cette organisation. Or, des propositions de changer la donne, il y en a eu.

En 1991, le ministre de l’Éducation Yvan Ylieff met sur pied une commission chargée d’examiner la possibilité d’introduire un cours de philosophie dans les dernières années du secondaire. Elle y est favorable. Mais le cout budgétaire incitera à ne pas le mettre en œuvre. En 2000, Hervé Hasquin, à l’époque ministre-Président de la Communauté française, lance l'idée d'introduire un cours de philosophie et d'histoire des religions comparées au 3e degré du secondaire, pour remplacer les cours philosophiques, dans le réseau officiel. Tollé général.

Aujourd’hui, le débat est relancé avec plusieurs propositions. Parmi elles, pour la troisième fois en 2009, le député Richard Miller propose au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’ajouter à la grille horaire de tous les élèves du 3e degré secondaire officiel une heure pour un cours de philosophie et d'histoire culturelle des religions.

La même année, le Conseil consultatif supérieur des cours philosophiques (CCSCP) rédige un mémorandum proposant la réalisation de référentiels spécifiques à chacun des cours philosophiques, à côté d’un référentiel commun. On retrouverait une partie commune, donc identique, à tous les cours philosophiques, y compris le cours de morale non confessionnelle (lire « Les cours philosophiques ont un conseil consultatif » ). Et, en 2012, la ministre de l’Enseignement obligatoire suit le CCSCP et propose devant le Gouvernement et le Parlement de conserver les cours philosophiques, en les balisant.

Un face-à-face

Aujourd’hui, les réponses à cette dernière initiative se cristallisent par la voie d’une bipolarisation. D’un côté, la proposition de la ministre est rejointe par les autorités des cultes, qui viennent de présenter, en mai, de nouveaux référentiels spécifiques accompagnéq d’un référentiel commun basé sur trois axes (fondements de la pensée philosophique, dialogue interconvictionnel, éducation à la citoyenneté). Ces cours resteraient donnés dans des classes séparées, avec des professeurs liés à leurs convictions, même si des activités communes peuvent être envisagées. Cette initiative a le soutien du Secrétariat général de l'enseignement catholique (Segec).

De l’autre, le monde laïc, Centre d'étude et de défense de l'école publique (Cedep) en tête, revendique la suppression du caractère obligatoire des cours philosophiques et l’introduction d’une formation citoyenne, destinée à tous les élèves, qui auraient cours ensemble dans la même classe. Cette formation combinerait une approche philosophique et une connaissance historique des religions et des mouvements de pensée non confessionnels.

Ces propositions se transformeront-elles en réalité dans le paysage scolaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? L’avenir le dira.

(1) PÉPIN L., L’enseignement relatif aux religions dans les systèmes scolaires européens. Tendances et enjeux, Réseau des Fondations européennes, 2009. http://www.nef-europe.org/wp-content/uploads/2013/03/Report-on-Teaching-Fr-version.pdf
(2) HERVIEU-LEGER D., « Les tendances du religieux en Europe », dans Croyances religieuses, morales et éthiques dans le processus de construction européenne, 2002, Commissariat général du Plan, p.10, http://bit.ly/199wdtf
(3) DEBRAY R., L’enseignement du fait religieux dans l’École laïque, rapport adressé à Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale, février 2002.
(4) Décret créant le Conseil consultatif supérieur des cours philosophiques, http://bit.ly/117repF

Textes légaux

« L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n'est réglée que par la loi ou le décret.

La communauté assure le libre choix des parents.

La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.

Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle ».

Constitution, article 24, §1, http://bit.ly/18qlewB

 

« Dans les établissements officiels ainsi que dans les établissements pluralistes d'enseignement primaire et secondaire de plein exercice, l'horaire hebdomadaire comprend deux heures de religion et deux heures de morale.

Dans les établissements libres subventionnés se réclamant d’un caractère confessionnel, l’horaire hebdomadaire comprend deux heures de la religion correspondant au caractère de l’enseignement.

Par enseignement de la religion, il faut entendre l'enseignement de la religion (catholique, protestante, israélite, islamique ou orthodoxe) et de la morale inspirée par cette religion. Par enseignement de la morale, il faut entendre l'enseignement de la morale non confessionnelle.

Le chef de famille, le tuteur ou la personne à qui est confiée la garde de l'enfant est tenu, lors de la première inscription d'un enfant, de choisir pour celui-ci, par déclaration signée, le cours de religion ou le cours de morale. Si le choix porte sur le cours de religion, cette déclaration indiquera explicitement la religion choisie.

Le modèle de la déclaration relative au choix de la religion ou de la morale est arrêté par le Roi. Cette déclaration mentionne expressément a) la liberté entière que la loi laisse au chef de famille; b) l'interdiction formelle d'exercer sur lui une pression quelconque à cet égard et les sanctions disciplinaires dont cette interdiction est assortie; c) la faculté laissée au chef de famille de disposer d'un délai de trois jours francs pour restituer la déclaration dûment signée. « Il est loisible à l'auteur de cette dernière de modifier son choix au début de chaque année scolaire ».

Loi dite du Pacte scolaire, extrait de l'article 8, http://bit.ly/172hL7b