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Magazine PROF n°29

 

Dossier Ils ont décroché, ils ont repris pied

Jessica Penneman : « Je voulais juste que ça aille plus vite »

Article publié le 01 / 03 / 2016.

Jessica Penneman a arrêté l’école secondaire en 5e puis a présenté les examens au jury de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et obtenu le CESS. Après un régendat en français langue étrangère, elle a enseigné avant de reprendre un master en Sciences de l’éducation à l’UCL, où elle collabore actuellement au projet de recherche Lirécrire.

PROF : Comment expliquez-vous que vous ayez arrêté l’école ?
Jessica Penneman :
Je vois trois explications. D’abord, ce que j’appellerais un défi intellectuel. Je me trouvais dans une école à pédagogie active. Dès la 4e, j’ai commencé à m’ennuyer. On passait beaucoup de temps en classe à gérer le groupe, à discuter des règles de vie, du respect de chacun. Quand je rentrais à la maison, je devais passer un temps fou à travailler tout ce qu’on n’avait pas fait pendant la journée.

Quand j’expliquais cela aux enseignants et aux autres élèves, on me prenait pour une marginale et du coup, j’avais de moins en moins de relations sociales à l’école. Alors, j’ai appris à me taire, à me dire « ça va passer ».

Le deuxième élément, c’est un manque de relations sociales et amicales. En 5e option math sciences, j’étais dans une classe où il n’y avait que des garçons. J’aimais bien tout le monde et n’avais pas de problèmes scolaires ou relationnels particuliers, mais je n’avais pas d’amies pour m’aider à supporter la situation.

Enfin, le dernier élément, c’est que ma mère a accepté assez rapidement que j’arrête complètement l’école, à la Toussaint. Nous aurions dû réfléchir ensemble à une autre solution, moins radicale.

Quels éléments vous ont permis de raccrocher ?
Il y avait un contrat. Ma mère avait mis une condition pour que je quitte l’école : je devais tout mettre en place pour obtenir mon CESS. J’ai réfléchi et j’ai décidé de me préparer aux examens du jury de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je n’avais pas envie d’aller dans une école privée. C’était trop cher et puis, si c’était pour retourner à l’école, ça aurait été ridicule d’arrêter. 

Pour passer les examens au jury, je devais proposer le programme d’une école, après acceptation de la direction. À chaque fois que je rencontrais un directeur, il me faisait la morale : les gens assimilent le décrochage à l’échec. Je devais toujours me justifier : je n’étais pas en échec, j’étais même une bonne élève, je n’avais pas de problèmes de discipline. Je voulais juste que ça aille plus vite.

Des personnes, des services vous-ont-ils aidée ?
J’ai choisi le programme de l’option économie, en technique de transition. J’ai commencé des cours à distance de français et de maths par courrier mais c’était trop long. Je me suis fait aider par des personnes du service d’échanges local (SEL), mais c’était trop lent car je voulais passer les examens de français et de maths en décembre. Alors je suis allée acheter des manuels (l’accès à Internet n’était pas si simple) et je me suis mise à travailler toute seule. Je pense que pour faire ce travail, il fallait une certaine maturité et percevoir tous les enjeux d’obtenir son diplôme secondaire. Je travaillais huit heures par jour, comme pour un blocus.

En décembre, j’ai réussi la 1re session d’examens en français et en maths. Cela m’a pris deux mois pour me préparer ; pourtant, je ne suis pas une intello, c’est juste une question d’organisation. Je me suis dit : « Ouf, ça marche » et ça m’a donné confiance en moi et l’envie de continuer.

Cela a été pareil pour les autres matières ?
À la fin du mois de janvier, j’ai réussi histoire et géo. Il me restait les langues et là, j’ai raté. J’ai alors travaillé quelques mois, tout en poursuivant les cours de l’Enseignement à distance pour l’anglais et les cours individuels de néerlandais grâce au SEL. Je suis partie faire une expérience de plusieurs mois au Mexique et à mon retour, en novembre de l’année suivante, j’ai réussi les examens de langues et d’options. Cela m’a permis d’obtenir mon CESS et de remplir le contrat moral et familial dans lequel j’étais engagée depuis deux ans.

Pour raccrocher à l’enseignement supérieur, j’ai suivi la formation-relai du Centre d’enseignement supérieur, de promotion et de formation continuée en Brabant wallon (CPFB). Ils m’ont aidée à construire mon projet mais aussi à retrouver une structure, un cadre, des règles de vie (je devais me lever et partir chaque jour) et un réseau social.

Aujourd’hui, vous enseignez…
Quand je suis devenue prof, j’ai eu des élèves qui risquaient de décrocher. J’essayais de les encourager à ne pas le faire. Je leur racontais mon parcours et je leur disais que si c’était à refaire, je ne le referais pas. C’est bien trop contraignant. En tout cas, mes élèves étaient étonnés d’entendre que j’avais arrêté l’école et qu’ensuite, j’étais devenue prof.

Propos recueillis par
Catherine MOREAU

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