logo infos coronavirus
logo infos Ukraine
logo du site Mon Espace
logo du pacte d'excellence
logo FAQ+
logo des annuaires scolaires
logo espace enseignant
logo des communiques de presse
logo du magazine PROF
 

Magazine PROF n°10

 

Dossier Les défis de l’enseignement spécialisé

Des murs sont tombés

Article publié le 01 / 06 / 2011.

En quarante ans, l’enseignement spécial est devenu spécialisé et les jeunes handicapés des élèves à besoins spécifiques. Quelle (r)évolution des idées et des représentations derrière ces changements sémantiques ?

Durant des siècles, les personnes « différentes » suscitent peu d’attention, voire rejet et inquiétude. Se dessine peu à peu un questionnement sur l’éducabilité de tous les enfants. Au début du 20esiècle, les psychologues Binet et Simon, auteurs de la première échelle de développement intellectuel, distinguent ceux pour lesquels on peut renoncer à des actions éducatives et ceux dont la place se trouve dans des écoles ou des classes spéciales. Et lorsque l’enseignement devient obligatoire pour les 6-14 ans, à partir de 1914, des classes annexées sont créées au sein des écoles ordinaires, pour les élèves dits « anormaux ».

Mais l’éducation des enfants handicapés, surtout mentaux, apparait d’abord comme une obligation morale et non un droit. Les handicapés lourds restent non scolarisés. Il faudra la pression des parents regroupés en associations pour qu’en 1970, une loi relève le défi de l’éducation pour tous en organisant un « enseignement spécial» adapté aux besoins de tous les enfants de 2,5 à 21 ans.

La Belgique : un modèle

Ce choix, qui fait de la Belgique un modèle, répond à la volonté de regrouper ces élèves dans des structures autonomes, sous la houlette d’équipes pédagogiques et paramédicales. Un système de « ségrégation positive », en quelque sorte. Jean-Jacques Detraux, psychologue et professeur aux Universités de Liège et de Bruxelles, et le sociologue Serge Ebersold, notent cependant que la classification des élèves « relève d’un modèle défectologique situant les difficultés scolaires des enfants dans leur inadaptation aux exigences de leur environnement scolaire » (1).

La naissance de l’enseignement « spécialisé » et la possibilité donnée aux élèves à besoins spécifiques d’être intégrés dans l’ordinaire avec un accompagnement pédagogique et/ou paramédical est, lui aussi, le fruit du travail d’associations de parents, en partenariat avec la Ligue des Droits de l’Enfant. En toile de fond : un autre modèle qui considère que les difficultés de ces enfants ne sont pas tant liées à la pathologie qu’aux attitudes de l’environnement à leur égard et à la capacité des institutions à les reconnaitre dans leurs droits et dans leurs besoins.

La Déclaration de Salamanque (2), adoptée par la Conférence mondiale de l’Unesco sur l’éducation en 1994, exhorte ainsi les gouvernements à rendre possible l’accueil de tous les enfants dans les écoles ordinaires. Une voie suivie par de nombreux pays, selon des modalités diverses. L’Italie, par exemple, inclut dans l’ordinaire la presque totalité des élèves, encadrés partiellement par des professeurs de soutien qui ont bénéficié, d’une formation spécifique à l’université. Le Québec, lui, a mis en place une gamme de dispositifs scolaires : depuis les classes ordinaires où les élèves en difficulté bénéficient de professeurs de soutien pour des matières précises, jusqu’à des classes homogènes pour enfants en difficulté, le tout sur le même site.

MM. Detraux et Ebersold situent l’intégration dans d’autres contextes. D’abord, face à une situation économique moins favorable, il s’agit d’adapter l’enseignement ordinaire aux potentialités de l’élève afin d’augmenter le niveau de formation de la population. Et puis, de nouvelles connaissances (en psychologie cognitive, en biologie,…) modifient la conception de l’éducabilité des enfants à besoins spécifiques. Le potentiel d’apprentissage et la motivation d’un enfant sont le fruit d’une co-construction réalisée par tout son entourage. Il faut donc considérer davantage son potentiel intellectuel (d’apprentissage) que son quotient intellectuel. (3)

Une déchirure dans l’espace de la vie

L’intégration d’élèves dans l’enseignement ordinaire a-t-elle vidé la coquille de l’enseignement spécialisé ? « Au contraire, elle l’a désenclavé et positionné comme un partenaire possible et comme un centre de ressources pour l’enseignement ordinaire », souligne Jean-François Delsarte, conseiller de la ministre de l’Enseignement, en charge de l’éducation spécialisée et intégrée, rappelant que l’enseignement spécialisé constitue une réponse possible pour les enfants à besoins spécifiques. Une réponse qui peut être donnée à la fois dans le spécialisé et dans l’ordinaire (moyennant le processus d’intégration).

Ce dossier aborde quatre des enjeux auxquels l’enseignement spécialisé est confronté : l’intégration des enfants à besoins spécifiques, la formation initiale et en cours de carrière, l’insertion socioprofessionnelle de ses élèves et le décrochage scolaire.

D’autres questions le traversent. Faut-il revoir la classification actuelle en regroupant les huit types d’enseignement en quatre catégories comprenant des niveaux 1 à 4 (légers à profonds) ? Comment mieux ajuster encore l’offre d’enseignement et de transports scolaires à la demande ? Comment le spécialisé, qui a souvent joué le rôle de précurseur, peut-il répondre plus efficacement aux besoins d’une population scolaire en croissance, hétérogène et souffrant majoritairement de difficultés personnelles, sociales et scolaires bien davantage que de déficiences physiques ?

« L’expérience quotidienne auprès des enfants touchés par une déficience prouve que leurs attitudes, attentes et besoins sont extrêmement divers, selon leur histoire personnelle, le climat familial, les ressources de leur milieu et l’accompagnement dont ils bénéficient », écrit Charles Gardou, professeur à l’Université Lumière Lyon 2, spécialiste du handicap, qu’il définit comme « une déchirure dans l’espace de la vie »3.

(1) Ebersold (S.) et Detraux (J.-J.), « Scolarisation des enfants atteints d’une déficience : configurations idéologiques et enjeux », dans Éducation et enseignement spécialisés : ruptures et intégrations, Bruxelles, De Boeck, 2003.
(2) Déclaration de Salamanque. http://unesdoc.unesco.org/images/0009/000984/098427fo.pdf
(3) Op.cit.
(4) Gardou (Ch.), Fragments sur le handicap et la vulnérabilité, Pour une révolution de la pensée et de l’action, Toulouse, Erès, 2005.

Types, formes, degrés de maturité et phases

L’enseignement spécialisé scolarise ses élèves selon des types, des formes, des phases et des degrés de maturité. 

Huit types d’enseignement


1 : retard mental léger
2 : retard mental modéré ou sévère
3 : troubles du comportement
4 : déficiences physiques
5 : maladie corporelle ou mentale
6 : déficiences visuelles
7 : déficiences auditives
8 : troubles des apprentissages

Il n’y a pas de type 1 et 8 au maternel, pas de type 8 au secondaire.
Il existe des classes à pédagogies adaptées pour les enfants polyhandicapés (types 2, 4, 5, 6 et 7), autistes (tous types) et aphasiques/dysphasiques (sauf de type 2).

Quatre degrés de maturité


Le primaire s’organise en degrés de maturité, et pas en années scolaires.
Pour le type 2 : acquisition de l’autonomie et de la socialisation, apprentissages préscolaires, éveil aux premiers apprentissages scolaires et approfondissement.
Pour les autres types : niveau d’apprentissages préscolaires, éveil aux apprentissages scolaires, maitrise et développement des acquis, utilisation fonctionnelle des acquis. 

Formes et phases


En secondaire, il y a quatre formes :
- Forme 1 : formation sociale visant l’intégration dans un milieu de vie adapté (sauf type 1).
À la clé : une attestation de fréquentation.


- Forme 2 : formation générale, sociale et professionnelle permettant l’intégration dans un milieu de vie et de travail adapté (sauf type1). En deux phases :
- socialisation et communication ;
- activités éducatives et d’apprentissages professionnels.
Aboutit à une attestation précisant les compétences acquises.


- Forme 3 : formation générale, sociale et professionnelle visant l’intégration dans un milieu de vie et de travail ordinaire (sauf type 2). En trois phases : - observation dans un ou plusieurs secteurs professionnels et approche polyvalente dans un secteur professionnel (par exemple la construction) ;
- formation polyvalente dans un groupe professionnel (par exemple : gros-œuvre);
- qualification professionnelle dans un métier (par exemple : maçon) du groupe suivi en 2e phase.
Attestation de réussite au terme des deux premières phases, certificat de qualification après la 3e.


- Forme 4 : formation ouvrant vers des études supérieures ou l’entrée dans la vie active (sauf types 1 et 2).