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Magazine PROF n°10

 

Dossier Les défis de l’enseignement spécialisé

On ne fera pas des spécialistes de tout !

Article publié le 01 / 06 / 2011.

Deuxième enjeu abordé dans ce dossier : la formation. Quelles voies permettent aux enseignants du spécialisé de se former aux besoins éducatifs des élèves ?

Institutrice maternelle dans le type 6, Aurore Duhoux témoigne : « Ma formation initiale m’a dotée d’une connaissance minimale et théorique des élèves à besoins spécifiques (NDLR : 30 h en 3e année au cours de différenciation des apprentissages, notions d’orthopédagogie et détection des difficultés d’apprentissage et leur remédiation. Lâchée dans l’enseignement spécialisé pour un remplacement, j’ai heureusement été bien entourée par l’équipe pédagogique, car on a tendance, à cause de notre formation et de notre propre vécu scolaire, à travailler comme dans l’ordinaire ».

Quatre hautes écoles (1) proposent pourtant aux futurs instituteurs et régents, notamment, une spécialisation en orthopédagogie (60 crédits). Cette quatrième année ajoute des séminaires et des stages à une formation commune centrée sur les aspects médicaux, psychologiques, éthiques et historiques des handicaps, sur les méthodologies adaptées,… Aucune valorisation salariale n’est prévue pour les diplômés de cette spécialisation suivie en 2010-2011 par 44 étudiants. À l’inverse, les enseignants qui suivent une formation débouchant sur un « certificat d’aptitude à l’éducation des élèves à besoins spécifiques » bénéficient d’un supplément de traitement  (2). Une autre voie est évidemment proposée tant aux personnels de l’ordinaire que du spécialisé par les réseaux et par l’Institut de la formation en cours de carrière (IFC).

« L’ouverture de l’enseignement ordinaire à tous les élèves à besoins spécifiques a accru encore l’importance de la formation des enseignants à la détection des difficultés et à l’utilisation des pédagogies adaptées, note Jean-François Delsarte, conseiller de la ministre, en charge de l’éducation spécialisée et intégrée. Ce serait à prendre en compte dans le projet de réforme de la formation initiale. À cela devraient s’ajouter des modules de formation complémentaire selon le type d’enseignement spécialisé, qui pourraient être certifiés par l’enseignement de promotion sociale. On ne fera pas des spécialistes de tout ! »

Autisme, dyslexie

Prémisse de ce courant : une formation complémentaire assurée par l’IFC et les réseaux, pilotée par le cabinet de la ministre de l’Enseignement obligatoire et supervisée par l’équipe du Service universitaire spécialisé pour personnes avec autisme (3). Elle a rassemblé cette année 90 enseignants travaillant avec des élèves autistes, venus partager leurs méthodes, leurs réussites et leurs difficultés. S’il prouve son efficacité, ce modèle pourrait être étendu aux autres pédagogies adaptées (pour les élèves polyhandicapés et aphasiques/dysphasiques).

Dès octobre 2011, des formations de quatre jours à la dyslexie s’adresseront, elles, au personnel de l’enseignement ordinaire et du spécialisé, de préférence du cycle 5-8 et du premier degré du secondaire (4). Assurées en binôme par le psychologue Vincent Goetry, de Dyslexia-international, et un formateur de l’IFC, elles formeront plusieurs centaines de personnes-relais maitrisant des connaissances essentielles sur la dyslexie, capables d’utiliser les ressources d’un site de formation en ligne et de sensibiliser leurs collègues dans leur établissement. La démarche adoptée est donc nouvelle : il s’agit d’utiliser la formation d’un seul enseignant comme source de sensibilisation et de développement de compétences de toute l’équipe éducative d’une école.

(1) Hautes Écoles libres mosane, de Namur, Haute École provinciale du Hainaut, de Bruxelles.
(2) Fixé à 351,08 € par an au 1er décembre 2004 (à indexer), mais on ne peut le cumuler avec d’autres suppléments. http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/16467_000.pdf
(3) http://www.susa.be
(4) Inscription avant le 30 juin 2011 aux séances d’information de septembre. Lire la circulaire 3583, http://www.enseignement.be/circulaires

« Apprendre sur le terrain, ça ne suffit pas »

L’Institut de promotion sociale Lallemand-Robaye, à Bruxelles, propose la formation en orthopédagogie. Témoignages de deux étudiantes.

 

Adeline Rommelaere enseigne à des élèves polyhandicapés dans le primaire spécialisé, et travaille aussi avec des jeunes en difficultés intégrés dans l’ordinaire. « Nous recevons, la première année, une formation de base abordant l’historique et l’organisation de l’enseignement spécialisé, la psychopédagogie adaptée aux élèves, la méthodologie de la relation et de la communication,… La seconde cible l’apprentissage de pratiques pédagogiques adaptées à des déficiences particulières. La formation est axée sur l’expérience de terrain des chargés de cours, mais se construit aussi sur la base de l’échange d’expériences entre les étudiants-enseignants, et nous permet d’engranger des documents pratiques et des outils de travail ». Manuela Rolin, institutrice maternelle dans le type 5 : « Un partage d’idées, d’expériences, de pistes de réflexion. Voilà ce que je trouve ici. Je suis surprise de voir combien le regard des autres peut m’aider. Enseignant toutes dans des écoles de types et de niveaux différents, nous nous rejoignons dans nos attentes : améliorer nos pratiques au quotidien et trouver des pistes d'adaptation aux besoins spécifiques de nos élèves. Apprendre sur le terrain, ça ne suffit pas. Cela prend du temps ; je crois qu’une formation plus complète et ciblée permettrait d’éviter un trop grand temps de tâtonnements qui pourrait être dommageable pour nos élèves ».