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Magazine PROF n°23

 

Dossier École et droits de l'enfant

On le soupçonne de vol : puis-je fouiller son cartable ?

Article publié le 01 / 09 / 2014.

Pour bien fonctionner, l’école demande à ses élèves de lui confier des données personnelles. Leur traitement exige des conditions définies par la loi sur la Vie privée. PROF recueille les précisions d’Eva Wiertz, porte-parole de la Commission de la Protection de la vie privée.

PROF : Qu’est-ce que les données à caractère personnel ?
Eva Wiertz :
Ce sont des données concernant une personne par lesquelles elle peut être identifiée ou identifiable : nom, prénom, adresse, photo, courriel, empreinte digitale,… Un badge nominatif aussi, par exemple. Leur traitement, c’est toute opération éventuelle qu’on leur applique : collecte, utilisation, gestion ou communication.

Qu’est-ce que la loi Vie privée ?
Depuis 1992, la loi Vie privée définit de quelle manière et dans quelles circonstances des données personnelles peuvent être traitées ou transmises. Elle liste les droits et obligations de la personne dont les données sont traitées et ceux du responsable du traitement lui-même.

Tout accès aux données scolaires est considéré comme un traitement. En principe, il nécessite une déclaration à la Commission. Mais les écoles en sont exemptées pour les traitements effectués en vue de gérer leurs relations avec leurs élèves ou étudiants : administration, encadrement, discipline, évaluation. Certains cas particuliers exigent, eux, une déclaration, comme la vidéo-surveillance.

Qui est responsable du traitement ?
Toute personne qui décide de traiter des données en est responsable. Le pouvoir organisateur et la direction le sont. Un enseignant peut aussi l’être. S’il anime une page Facebook de classe, par exemple. Depuis qu’on est entré dans l’ère informatique, le traitement, plus facile, se multiplie. C’est devenu important de reprendre les grands principes de protection de la vie privée dans le Règlement d’Ordre Intérieur (ROI) de l’école et de le faire signer par les parents et les élèves. Ils marquent ainsi leur adhésion à un contrat.

Le traitement de données personnelles

Il faut respecter des conditions…
Dans certains cas, on peut invoquer un fondement juridique : une convention d'adhésion, comme le ROI, une obligation ou une autorisation légale, l'intérêt général ou un intérêt privé légitime. Dans d'autres cas, l'école devra se baser sur le consentement de l'élève et/ou de ses parents.

La finalité du traitement doit être précise et précisée. Et les données traitées doivent être proportionnelles à cet objectif. Pas besoin de connaitre l’orientation sexuelle de l'élève dans un but pédagogique, par exemple. Ni d’enregistrer des données judiciaires.

L'élève et ses parents ont le droit d'accéder aux informations enregistrées le concernant et d’en contrôler l’exactitude. Et on ne peut pas les transmettre à un tiers, sauf si lui (ou ses parents) vous y autorise(nt) spécifiquement ou si cette communication repose sur une autorisation ou une obligation légale. Si un enseignant dispose d’indices ou de confidences qui indiquent la maltraitance d’un enfant, son intérêt vital face à des problèmes psychiques ou physiques peut justifier la transmission d’informations.

Selon la loi, une fois l’objectif atteint, on ne peut pas continuer à conserver les données des élèves. Mais elle ne précise pas le délai de conservation.

Enfin, on doit veiller à ce que des personnes non autorisées ne puissent pas accéder aux données à caractère personnel des élèves. Ainsi, il ne faut pas que toutes les personnes travaillant à l'école y aient accès. Par exemple, un badge nominatif avec photo pour les participants à un voyage scolaire avec le nom de l’élève et de l’école peut se justifier. Mais il ne doit pas contenir le numéro de téléphone et l’adresse de l’enfant.

Quelques situations concrètes

Une école livre des données relatives à ses élèves à une école supérieure…
Si on a l’accord des personnes concernées, pas de problème. Sinon, il vaut mieux s’abstenir.

Un professeur s’oppose à l’édition de ses coordonnées sur un calendrier scolaire…
On ne peut diffuser ses données sans son accord.

Si l’école utilise des photos d’élèves…
Une circulaire rappelle les règles à suivre dans tous les réseaux (1). Avant de publier une photo où un élève est clairement reconnaissable, il est nécessaire d'obtenir au préalable l'accord explicite et écrit de ses parents, si l'élève est mineur, ou de l'élève, s’il est majeur. S’il a plus de douze ans, il est recommandé de recueillir à la fois son consentement et celui de ses parents.

Il est dès lors utile de récolter l'accord des personnes concernées sur un document proposé en début d'année scolaire, avant toute prise et/ou diffusion de clichés des élèves. Ce document ou un article du ROI précisera le canal de diffusion, le contexte dans lequel seront prises les photos et qui y aura accès.

Pour un cas particulier, il est souhaitable de redemander l’accord de l’élève et de ses parents. Dans le cadre d’une activité de classe, c’est permis. Il est cependant conseillé d’en informer les parents. Si les images devaient sortir du cadre strictement pédagogique (mise en ligne par exemple, même sur le site de l'école), le consentement des élèves et de leurs parents est requis.

Le chef d'établissement ou son délégué veut fouiller des casiers mis à disposition des élèves…
Il faut un indice objectif.

Lors d’un voyage scolaire, les enseignants ont des indices de consommation importante d’alcool chez les élèves. Peuvent-ils les fouiller ?
Il en va de l’intérêt du groupe.

Un élève est présumé avoir volé un GSM. Peut-on fouiller son cartable?
La présomption de vol peut être un indice suffisant, mais cela dépendra du contexte. La protection de la vie privée doit être respectée sans constituer un obstacle par lequel l’école ne pourrait plus faire fonctionner son autorité.

La CPVP peut-elle aider les écoles à corriger éventuellement leur ROI ?
Elle gère deux sites qui peuvent les aider : http://www.privacycommission.be et http://www.jedecide.be.

Patrick DELMÉE

(1) Circulaire n°2493 du 7 octobre 2008. Dans les écoles de Wallonie-Bruxelles Enseignement, les circulaires du 19 juillet 2001 et du 11 avril 2005 lient le droit de prendre des clichés pour un photographe à l’obtention d’une accréditation.

La fouille ? Prudence !

Pour ce qui relève d’une fouille éventuelle, les experts des réseaux que nous avons consultés sont plus circonspects que la Commission de la Protection de la vie privée (lire On le soupçonne de vol : puis-je fouiller son cartable ?).

Pour Nathalie Dasnoy, du Service juridique du Segec, la règle générale est de ne pas fouiller. « La fouille relève de la police, précise-t-elle. Mais, elle peut se justifier, s’il existe un soupçon de danger. Par exemple, si un élève en voit un autre entrer à l’école avec un couteau et prévient un éducateur. Par ailleurs, il vaut toujours mieux demander à l’élève d’ouvrir son cartable, son casier ou de vider ses poches ».

Fabienne Poliart, attachée au Service général du réseau Wallonie-Bruxelles Enseignement, est aussi très nuancée. Selon elle, tant pour le casier mis à disposition, que pour le sac, le cartable, la chambre d’internat, une fouille ne peut avoir lieu qu'avec le consentement de l'élève et en sa présence.

« Pour un mineur, il faut le consentement des parents, poursuit-elle. À défaut de ce consentement, il faut faire appel aux services de police qui procéderont au contrôle. Dans les deux cas, il faut avertir les parents. Le contrôle du casier ne pourrait éventuellement être envisagé que s'il est destiné à un usage précis (maintenir l’hygiène et la salubrité des locaux, assurer la disponibilité du casier,…) autre que la fouille des effets personnels des élèves. Il convient de mentionner clairement dans le ROI et dans l'éventuelle convention de mise à disposition cette possibilité. Pour ce qui concerne les incidents lors des voyages scolaires, les écoles sont souvent démunies face à un vide juridique. Cette question est sur notre table de travail ».