Magazine PROF n°32
Dossier Maitrise de la langue d'enseignement
L’école est ouverte
Article publié le 01 / 01 / 2017.
Favoriser la communication avec les parents au bénéfice des enfants, malgré la barrière des langues, c’est aussi un choix de l’école.
Les Bayrak vivent en Belgique depuis 13 ans. Cette famille traditionnelle du nord de la Turquie parle le turc à la maison. Dursen est ouvrier du bâtiment, Negar mère au foyer. « La tradition veut que la maman s’occupe davantage de l’éducation des enfants, explique-t-elle. Je vérifie leur journal de classe tous les jours. Je m’intéresse à leur travail scolaire,... avec une barrière : je ne parle pas bien le français ».
Ils ont trois enfants à l’école fondamentale annexée de l’Athénée de Jumet. L’ainé, Abdullah, est en P3. Sa sœur, Elif, en P1. Eren, le frère jumeau d’Elif, en M3. L’an passé, l’école et le CPMS se sont inquiétés pour les jumeaux : « Elif ne communiquait plus à l’école. Et Eren avait un retard pédagogique », note la directrice Françoise Dancot.
Une invitation
Nihat Dursun est assistant social et agent d’intégration, au Service Action Migrants du CPAS de Charleroi. Contacté par le CPMS, il a traduit pour la famille l’invitation faite par l’école de venir assister au cours de M3. Mme Bayrak est venue assister à quelques cours, puis à toute une matinée : « J’ai fait les exercices proposés par Mme Isabelle. Les autres enfants souriaient, surpris. Ma peur pour l’école existe toujours. Mais je me suis rendu compte que je pouvais avoir confiance ».
Cela a été un élément déclencheur. Même si elle ne connait pas bien le français, elle le comprend. En parallèle, Mme Bayrak s’est inscrite à des cours de français donnés par l’École industrielle de Jumet à l’École communale de Monceau-sur-Sambre. « Mais les priorités de la maison, comme m’occuper de mes enfants malades, me laissent peu de temps pour ces cours ».
Et surtout, cette maman parvient à surmonter son inquiétude envers l’école et sa peur de communiquer, au bénéfice de ses enfants. « La visite en classe a été aussi un déclencheur pour Elif. Elle a aussi surmonté sa peur de communiquer à l’école, ajoute-t-elle. Aujourd’hui, elle est en P1 et cela se passe bien. Je voulais que les deux jumeaux puissent continuer dans la même classe. Mais j’ai pris conscience du retard de Eren et du bienfondé de le maintenir en M3 ».
… bien pensée
Mme Dancot : « Notre école ouvre ses portes, en fonction de projets bien pensés. Cela donne des résultats. Ici, les parents ont évolué. Du fait de la barrière de la langue, le papa était souvent énervé. La maman souvent apeurée. Lorsqu’on fait preuve d’écoute et d’empathie envers des gens qui ont des codes différents, cela avance dans le bon sens en général ».
L’école et le Service Action Migrants cultivent aussi cette empathie dans un autre projet. Au sein d’une formation TravColl sur la relation parents-écoles, ils ont décidé de faire traduire pour la prochaine rentrée la brochure d’accueil de l’école en cinq langues : turc, arabe, espagnol, anglais et russe. Cet esprit d’ouverture, Mme Dancot et M. Dursun aimeraient le voir grandir dans d’autres écoles. « Ce n’est pas évident, conclut-elle. Je connais plusieurs collègues qui n’y voient aucun intérêt » (1).
(1) La Fondation Reine Paola lance un appel à projets Soutien extra-scolaire aux jeunes et à leur école. Il s’adresse aussi aux projets qui impliquent les parents dans le processus d’apprentissage de leurs enfants. http://bit.ly/2gk5M0a
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